En synchronicité de ma maxime d’il y a quelques jours « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé » de Charles de Secondat, dit de Montesquieu, cet ouvrage m’interpelle dans un rayon de ma librairie.. Contrairement à l’accroche du titre racoleur, ce n’est nullement un pamphlet féministe. Il est avant tout un « Beaux livres » car davantage à contempler. Il nous offre une galerie de cent trente œuvres environ, du Moyen Âge au XXe siècle, portraits de femmes en flagrant délit de lecture, de Rembrandt, Manet, Matisse, Edward Hopper…Je vous livre mes préférées.
Pourquoi les femmes qui lisent sont-elles dangereuse ?
Laure Adler explique dans sa préface que les femmes ont eu une relation toute privilégiée avec les livres à force de privations et de frustrations et ont vite compris que le livre était source d’émancipation. La lecture a été longtemps considérée comme source d’oisiveté qui est mère de tous les vices disait la morale populaire. Il fut même question d’une loi interdisant l’apprentissage de la lecture aux filles.. Oui, oui.. Le sieur- j’oserais dire triste sire – Sylvain Maréchal, révolutionnaire, sans doute l’un des plus fervents partisans de l’athéisme s’était allié avec Gracchus Babeuf, précurseur du communisme pour ce faire. Il fréquentait un cercle d’auteurs incroyants qui ont développé une philosophie basée sur un socialisme agraire où les biens seraient mis en commun.. (1) Il concocte un texte polémique « Projet d’une loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes » en 1801 (2). Napoléon Bonaparte est déjà Consul depuis 1799. Son projet restera lettres mortes ! Maréchal motive son projet de loi par 113 postulats dont je vous livre les plus croquignolesques ! L’orthographie de l’original a été conservée.
Considérant :
5º. Que l’intention de la bonne et sage nature a été que les femmes exclusivement occupées des soins domestiques, s’honoreraient de tenir dans leurs mains, non pas un livre ou une plume, mais bien une quenouille ou un fuseau.
8º. Que la nature elle-même, en pourvoyant les femmes d’une prodigieuse aptitude à parler, semble avoir voulu leur épargner le soin d’apprendre à lire, à écrire.
13º. Que les femmes qui se targuent de savoir lire et de bien écrire, ne sont pas celles qui savent aimer le mieux. L’esprit et le talent refroidissent le cœur.
17º. Que Marguerite de Navarre, première femme de Henri IV, aurait été moins galante, si elle n’avait pas su écrire.
Une femme qui tient la plume pense être en droit de se permettre plus de choses que toute autre femme qui ne connaît que son aiguille.
18º. Que si Catherine de Médicis n’avait point su lire, il n’y aurait point eu en France de journée de la St.-Barthélemi.
42º. Que les femmes ont trop d’occupations dans leur ménage, pour trouver du temps de reste et à perdre en lectures, écritures…..
57º. Que dire son chapelet est aussi méritoire devant Dieu que delire son office du matin et de l’après-midi.
66º. Que Pénélope si fidèle à son mari-voyageur, savait, en tissant, jour et nuit, repousser les amans qui l’assiégeaient, et ne savait pas lire.
79º. Que Jeanne d’Arc sçut bien délivrer la France, sans savoir lire.
AUX FEMMES.
Si l’on vous interdit l’arbre de la science,
Conservez sans regret votre douce ignorance,
Gardienne des vertus, et mère des plaisirs;
À des jeux innocens consacrez vos loisirs, etc.
Sylvain Maréchal.
S’ensuit LXXX articles valant leur pesant d’or que je vous encourage à lire Mesdames, pour le plaisir (2)… Car nous avons le recul suffisant pour en rire.
Quel minable ce Sylvain Maréchal que presque tout le monde a oublié.
Pour en savoir +: (1) La personnalité et le nom de Babeuf ont occulté ce fameux personnage, Sylvain Maréchal. Auteur du premier calendrier révolutionnaire, il a écrit dans un style flamboyant le Manifeste des Égaux adressé au peuple de France .il ne fut pas poursuivit car ses écrits n’étaient pas signés..Courageux Sylvain.. (2) Projet d’une loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes ».
En Une : Elliott Erwitt – Marilyn Monroe, 1955