Je ne pouvais manquer cette exposition
« Désirs et volupté à l’époque victorienne»
Le musée Jacquemart-André présente pour la première fois des chefs-d’œuvre célébrant la beauté féminine et représentatifs d’un courant artistique majeur de l’Angleterre du XIXe siècle, dont Véronique Gérard-Powell, agrégée d’histoire de l’art, spécialiste de l’art européen des XVe-XVIIIe siècles et de l’Histoire des collections des XVIe- XXe siècles, maitre de conférence à la Sorbonne de Paris et à la Sorbonne Abu-Dhabi- est la pétillante commissaire générale.
Le musée Jacquemart et Victoria, impératrice des Indes
Il est avec le musée Guimet, mon musée fétiche. Et, Victoria est la reine d’Angleterre que je chéris.
La reine Victoria régna de 1837 à 1901 et sera Impératrice de l’Inde en 1877. Elle fut une reine très amoureuse de son Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Ensemble, ils assumeront les tâches officielles. Ils auront neuf enfants, mais le bonheur de Victoria prendra fin lorsque Son Altesse Royale le Prince Consort mourut prématurément en 1861. Elle sombra dans une profonde tristesse et se retira de la vie publique.
L’empire britannique connu un grand essor économique sous son long règne. Lorsqu’elle s’éteint en 1901, après 63 ans, sept mois et 2 jours de sacerdoce, la plupart des souverains d’Europe pleurent leur aïeule.
Nous devons à la « grand –mère de l’Europe »- hormis l’hémophilie dont elle était conductrice- le mariage en blanc : elle fut la première à porter une robe blanche à son hyménée et lança cette tradition.
Victoria fut aussi la première reine à avoir eu recours à une forme d’anesthésie pour accoucher. En 1853, elle met au monde, le prince Léopold, duc d’Albany, leur huitième enfant, après avoir inhalé du chloroforme, 53 minutes durant, à travers un mouchoir, l’analgésie étant pratiquée par le docteur Snow *. Même si enfanter sans douleur était mal vu de l’Eglise et d’une partie de la communauté médicale, Victoria – et Albert qui l’approuvait – se dit ravie de l’expérience. « Béni soit ce chloroforme, écrivit-elle plus tard, apaisant et délicieux au-delà de la mesure ».(1) Quatre ans plus tard, pour la naissance de Béatrice, elle réitéra en utilisant le chloroforme. Elle fut une pionnière créant ainsi la mode de « l’accouchement à la reine ». Même si le Lancet dément l’information dans son numéro du 14 mai 1853 de crainte que l’exemple royal soit suivi par les autres femmes. Des manifestations contre l’antidouleur eurent même lieu.(2) En vain… L’anesthésie moderne proposée par James Young Simpson se popularisa et évolua.
L’exposition Désir et volupté à l’époque victorienne
L’exposition tourne autour de la femme dans toute sa splendeur, en une cinquantaine de tableaux, prêtés par le milliardaire mexicain Pérez Simón qui possède une faramineuse collection. Il eut du flair car ces peintres étaient tombées en si grand désamour que les propriétaires jetaient les toiles pour en récupérer les cadres.. Aujourd’hui, une œuvre de Sir Alma- Tadena, star de la Royal Academy of arts et chéri des collectionneurs se monnaie à 35 millions de dollars.. Cherchez bien dans vos greniers..
Je connais et apprécie certains fondateurs du mouvement préraphaélite. Ils avaient, entre autres, pour dessein de rendre à l’art un but fonctionnel et édifiant – leurs œuvres avaient pour fonction d’être morales. Dante Gabriel Rossetti avec son merveilleux pastel « Vénus verticordia » et Edward Burne-Jones, dont l’épouse Georgina McDonald était la tante de Rudyard Kipling, mais sans plus.
Cette exposition m’a fait découvrir Lawrence Alma-Tadema et surtout Emma Sandys. Les artistes de cette époque accordaient une grande importance à leurs cadres ; d’ailleurs, 70% de ceux exposés au musée Jacquemart-André sont d’origine.
En ces temps, où l’Impressionnisme germe en France, les peintres de « l’Aesthetic Movement » connaissent leur heure de gloire, en Angleterre. Ils sont – avec leurs compatriotes- passionnés par l’Antiquité qu’ils connaissent bien grâce à leurs voyages, mais aussi au British Muséum qu’ils visitent souvent. Ils vouent un culte au corps féminin, dont ils auront une approche stylistique avec un idéal de la beauté.
Entrons dans la première salle, « Désir d’antique ».
Trône la vedette de l’exposition : Sir Laurence Alma- Tadena avec son magnifique tableau : Les roses d’Héliogabale peint en 1888. Il n’est pas anglais d’origine, mais néerlandais. Il épousa une française, en 1863, lors de son voyage de noces en Italie, il découvre Pompéi et ce sera une révélation pour lui. (Son épouse et le mariage aussi ?). Il s’installa à Paris qu’il quitta, comme Monet et Pissarro, pour Londres en 1870. Veuf, il se remarie avec une jeune anglaise, devint sujet britannique en 1873 et anobli par la reine Victoria en 1899. Il modifiera son prénom Lourens en Lawrence plus anglais.
Chagriné d’être toujours mis à la fin des catalogues d’art à cause de son nom de famille commençant par un « T », il décida d’y accoler, son second prénom « Alma » qui débutant par « A », le plaçait en bonne place.
Réellement amoureux de l’Antiquité, il fit transformer sa maison à St John’s Wood, en villa pompéienne où il organisait de somptueuses et extravagantes fêtes.
Sir Laurence Alma- Tadena Les roses d’Héliogabale peint en 1888
J’observe ce grand tableau enchanteur : Un banquet en arrière-plan, l’empereur Héliogabale à gauche, sa grand-mère, sa mère – une des deux femmes lui faisant face, portant une couronne de lierre-, son épouse avec la couronne de roses blanches et près d’elle, le général P.V. Comazon, au visage aviné, coiffé de lauriers, (4) allongés à la romaine, le ciel bleu, les magnifiques colonnes de marbre, et en dessous un déluge de roses sur des personnages, des tons de roses et de beiges, des plissés transparents, à droite, un homme à la chevelure et barbe rousse, vêtu d’un vert admirable – probablement son amant – regarde l’empereur comme s’il ne comprenait pas.
C’est très beau mais.. Le regard des personnages du haut est cruel, dur et hilare. Ceux des courtisans sous les roses, sont apeurés voire éteints, en pâmoison.
En fait, c’est un drame tragique de l’histoire de la décadence romaine qui se joue sous nos yeux, rapporté dans L’Histoire Auguste,(3) au début du IV° siècle: L’empereur Héliogabale étouffa ses courtisans lors d’un banquet sous un amas de violettes.(4) Un empereur soucieux du raffinement dans le crime.. Alma-Tadema a remplacé les violettes par des roses, plus symboliques. J’ai aussi beaucoup aimé « La question », très pompéien où la jeune femme se fait conter fleurette mais visiblement, ce n’est pas celui qu’elle attend..
Salle 2 : Beautés classiques. Frederic Leighton et ses Jeunes Filles grecques ramassant des galets sur la plage, aux drapés somptueux dans le vent.
Avec Le Quartet, Albert Moore déconstruit l’histoire avec ce tableau peint comme une partition de musique avec ses croches, les hommes jouant d’instruments modernes, les femmes tournant le dos, dans des drapés suggestifs, écoutent.
Salle 3 : Muses et modèles présentent des femmes à l’esprit complexe. « Fatima » de Sir Edward Burne-Jones : Ce tableau quasi inconnu, raconte l’histoire de la femme de Barbe bleue, avec sa robe de style Renaissance, dans les tons de roux très automnal; il l’a peinte au moment où elle est entrain de tourner la clé dans la serrure et comprend immédiatement qu’elle n’aurait pas dû.. Un seul tableau d’Emma Sandys que j’ai découverte.
« Réverie» est très tendre : Le regard dans le vague, le sourire mystérieux de cette beauté délicate sont émouvants. Les roses blanches, le collier de perles sont des symboles de pureté, d’innocence et du mystère, sont de ce portrait imaginaire.
« Rêverie»de Sir Edward Burne-Jones
Pour en savoir + : site du musée– voir la bande annonce?
Iconographies: Affiche de l’exposition- Victoria et Albert- Dr John Snow a donné son chloroforme, mais utilisé une méthode ouverte-goutte– la famille royale avec les neuf enfants
Sources: (1) Photographies des coulisses de l’exposition Musée jacquemart (2) Site de l’UCLA . Lancet – Les femmes dans l’Angleterre victorienne et édouardienne: Entre sphère ... Par Catherine-Emilie Corvisy, Véronique Molinari (3) Vie d’Antonin Héliogabale (de J.-C. 218-222) (4) Histoire des empereurs romains, depuis Auguste jusqu’à Constantin, Par Jean-Baptiste-Louis Crevie Volume 9