Japon, Samouraïs, Keanu Reeves..
Carl Erich Rinsch voulait donner une portée internationale au récit Chûshingura et s’est inspiré des œuvres de Hayao Miyazaki, mangaka auteur de la Princesse Mononoké, de Katsushika Hokusai et Utagawa Hiroshige, deux des plus grands dessinateurs que le Japon ait porté, pour retranscrire l’immense richesse de la légende nippone.
Il n’en fallait guère plus pour me tenter. Et une critique absolument détestable. Esprit de contradiction ?
47 Ronin ou «Ako Gishi», la légende
Les thèmes du film en trois mots : honneur, vengeance et amour. Ce film est inspiré d’un mythe japonais.
Condensons en quelques lignes, l’’histoire des 47 Ronin ou «Ako Gishi» qui se déroule sous le règne de l’empereur Higashiyama – 1675-1709. En 1701, le Shogun Tokugawa Tsunayoshi désigne le daimyô (seigneur) Asano Naganori (1665-1701) du petit fief de Ako (préfecture de Hyogo) pour organiser l’accueil des émissaires de l’Empereur. Jeune daimyô de 36 ans, peu au fait des coutumes, souhaite prendre conseil auprès de Kira Yoshinaka –1641-1703-, kōke – maître de cérémonie- de la maison du Shogun Tokugawa Tsunayoshi où il supervise les questions de protocole. Hautain et dédaigneux, Kira lui refuse son aide.
Selon certaines sources, celui-ci connu pour sa cupidité, aurait demandé un pot-de-vin qu’Asano aurait refusé et dans un mouvement de colère le blessa légèrement au front et à l’épaule, le 21 avril 1701.
Le Shogun condamne alors Asano à se faire seppuku le jour même et sa famille perdra tous ses titres, ses terres seront confisquées, ses troupes notamment les 300 Samouraïs, bannies. Tandis que Kira n’est pas inquiété, comme le voudraient les règles de l’époque. Asano Naganori est inhumé au temple Sangaku-ji.
L’histoire ne s’arrête pas là.. Les samouraïs ayant perdu leur maître deviennent des rônins. Ils cherchent à venger Asano et sa famille pour cette condamnation si injuste, bien que le Shogun l’eut interdit, sous peine de mort.
Oishi Kuranosuke et ses 46 ronins, se préparèrent pendant presque deux ans. Ils passèrent à l’action la nuit du 14 décembre 1702 en attaquant la demeure de Kira Yoshinaka.
Ils le décapitèrent, lavèrent sa tête dans le puits du temple Sangaku-ji et la posèrent sur la tombe de leur maître Asano Naganori.
Les 47 autres rônins se rendirent chez Shogun Tokugawa Tsunayoshi qui les condamna au seppuku, même si la loi voulait qu’ils fussent exécutés comme de vulgaires bandits. Le 4 février 1703, 46 des 47 rônins se suicidèrent dans l’enceinte du temple Sangaku-ji, Terasaka Kichiemon le 47 éme ayant été gracié à cause de son jeune âge. A sa mort, à 78 ans, il sera inhumé auprès de ses compagnons et son maître au Sangaku-ji.
Les 47 Rōnin, un des thèmes favoris de l’ Ukiyo-e des graveurs les plus fameux
Les 47 rônins sont renommés en tant que vassaux restés fidèles à leur maître. Chaque 14 Décembre, le Festival d’Akogishi-Sai Gishisai se déroule dans la ville d’Ako, en leur mémoire. Une partie de la maison de Kira, où firent irruption les 47 samouraïs, est conservée dans le parc Honjo Matsuzakacho-koen à Ryogoku. ( on y trouve le puits où fut lavée la tête de Kira ainsi que des panneaux explicatifs sur les 47 samouraïs d’Ako. Ce mythe est resté populaire : de 1997 à 2007, la télévision japonaise a produit pas moins de dix réalisations à cette épopée.
Un livre consacré à ce sujet consacre sept chapitres aux différentes représentations des 47 Rōnin. Utamaro, Toyokuni, Hokusai, Utagawa Kunisada et Hiroshige. Utagawa Kuniyoshi a réalisé environ 11 séries distinctes et plus de 20 triptyques sur ce sujet.(1)
Une adaptation des 47 Ronins : le film
Ceci étant dit, Carl Erich Rinsch a adapté le mythe, allant même jusqu’à créer le personnage de Kaï – Keanu – un sang-mêlé. Ajoutez à cela des créatures surnaturelles, une sorcière, des dragons, Oni -sorte d’ogre- des démons, un renard aux yeux de David Bowie.. Et une romance entre Mika (Kô Shibasaki) et Kai (Keanu Reeves) pour faire girly.
Hormis, Reeves, tous les acteurs sont japonais dont Hiroyuki Sanada que j’aime beaucoup. Carl Erik Rinsch semble s’être beaucoup inspiré du cinéma asiatique. Les images sont très belles, les paysages japonais magnifiques, les maisons palais, et jardins somptueux, tout en sachant que les tournages ne se sont pas déroulés au pays du Soleil Levant mais en studio à Budapest et en extérieur des studios Shepperton, près de Londres.
Kai, Oishi, Kira ou Mika sont parfaitement interprétés. La sorcière Rinko Kikuchi est totalement hollywoodienne, et hors de propos. Elle déambule à moitié nue, lascive.. Les menaces faites à Mika sont presque risibles d’incongruité, son geste l’encourageant à se faire Hara Kiri totalement inopportun, n’ayant absolument rien à voir avec le Japon ancestral. J’ai noté la prestation du chanteur de J Pop, Akanishi Jin dans le rôle de Chikara.
J’ai apprécié le soin apporté au choix des costumes, crée par Penny Rose. Les kimonos sont vraiment splendides, les armures des Samouraïs, certes un peu modernisées – et en plastique, mais cela se remarque à peine- sont très crédibles et très belles. Les combats sont bien rendus (peut-être y en a-t-il un peu trop), j’ai aimé l’attaque des moines de Tengu.)
Beaucoup de beaux sentiments, de moments d’émotions, des pistes de réflexions quant à l’immortalité de l’âme, l’honneur, le sacrifice … Force est de constater que ce n’est pas un film unique mais il ne mérite pas ce tollé général à être éreinté de la sorte. Joli film de télévision..
(2) The 47 Ronin – Prints by Kuniyoshi and Yoshitoshi- Series: THE STORY OF THE 47 RONIN de KUNIYOSHI (1797-1861): LORD ASANO TAKUMINOKAMI TAKASADA – Oishi Kuranosuke (THE LEADER OF THE 47 RONIN) – – Chushingura, Act XI, Scene 2 – Hokusai
L’histoire semble magnifique! J’aime Hiroshige, Hokusai, le Japon (Même si à la lecture de ton article, je me rends compte qu’en fait je n’y connais pas grand-chose!), et Keanu! Qui, au passage, semble un peu avoir retrouvé de sa superbe!
Mais effectivement, tu sembles déçue de l’adaptation qui en a été faite et des dérives et ajouts… et même si je ne l’ai pas vu, je n’aimes pas trop les remaniements… à voir s’il passe à la tv… sinon tant pis…
Bonjour Blandine, non pas déçue mais c’est très hollywoodien, moins japonisant. J’ai aimé le film, Keanu, les décors, les monstres crédibles aussi..Tu peux aller le voir , tu passeras un excellent moment.