Ce matin, deux élèves me demandent, d’entrée de cours, si elles pourraient offrir un cadeau de classe à leur camarade dont c’est l’anniversaire. Avoir 18 ans est aussi important, les anniversaires et les cadeaux me mettent en joie, de même que la joie partagée. Evidemment, j’opine, cela ne prendra que quelques minutes.. Mon Dieu, qu’est ce que que si peu de temps dans une vie, pour apporter du bonheur, en plus.
M. est fort troublée, toute chavirée et ébaudie de recevoir un joli paquet. L’émotion est perceptible sur tous les jeunes visages. Que croyez-vous qu’elle reçut ?
Une paire d’escarpins Louboutin ! Rien que cela !
Elle en pleure de joie. Les autres sont envieuses. « C’est des vrais »– excusez la syntaxe et le style, mais je retranscris mot pour mot. Le groupe de filles chargées du précieux achat lancent à l’effrontée, un regard à décimer une horde de barbares « Oui, ils sont vrais !». Mais, le drame est à venir : ils ne lui vont pas, trop courts ! Toutes les filles sont consternées, maudissent C. la meilleure amie de M. qui les a mal renseignées.. donc, ce n’est pas une vraie amie car si c’était le cas, elle connaîtrait sa pointure.. Je frissonne : je ne connais la pointure d’aucune de mes amies. Serais-je une mauvaise amie ? Voire pas une amie du tout ? Ce questionnement dès poltron-minet me torture..
L’idée consensuelle est de revendre ces escarpins « plus cher qu’on les a achetés » . La mise à prix sera de 120 euros.
Il est évident que ces escarpins sont des contrefaçons, achetées sur internet. Une paire de Louboutin à moins de 120 euros ? Passons notre chemin ou alors sachons ce que nous achetons.
Des Louboutin sans contrefaçon
De nombreux sites-marchands vendent du pseudo-Louboutin, et poussent même l’arnaque jusqu’à utiliser des photographies de vraies Louboutin. A telle enseigne que Louboutin a crée Stopfake qui permet de vérifier si le site ou même le blog vendent des souliers authentiques.
Mythesera.com est l’une des rares boutiques en ligne, basée en Allemagne ayant de le droit de vendre des chaussures Christian Louboutin, mais aussi des Yves Saint Laurent, Lanvin. Si le cœur vous en dit ! Je préfère les achats en boutiques qui font aussi une partie du plaisir.
Le luxe de porter des Louboutin même de contrefaçon ?
Mais qu’est qui attire dans la possession d’un article de luxe ? Pourquoi certain(e)s préfèrent acheter une contrefaçon pour porter l’objet de convoitise ? Je ne suis pas spécialement accroc aux grandes marques mais comme disait ma grand-mère « Nous ne sommes pas assez riches pour acheter de la mauvaise qualité ». Je recherche dans l’objet dit de luxe, la singularité, l’exceptionnel, le travail artisanal, la matière noble, la conception minutieuse et précise, le savoir-faire, la grande qualité. Les fausses Louboutin- point de départ de ma réflexion– ne sont pas confortables, la cambrure n’est pas bonne, le cuir est d’une qualité très douteuse, l’intérieur de la chaussure est d’une finition de très piètre qualité (coutures mal placées, boursouflures, voire collage), manque de stabilité (1) .. Pour faire court, une contrefaçon est toujours trop chère pour ce qu’elle est. Alors, où se trouve l’intérêt pour ceux « qui veulent introduire un peu de luxe dans leur vie » ?
Le vêtement plus encore qu’un autre produit, représente une certaine valeur, un rêve, un idéal, une identité. Posséder un article de luxe étiquette le possédant comme une personne exigeante, aisée, qui incarne la réussite, l’élégance. Le vêtement répond à deux besoins physiologiques mis à part le primaire qui est de se vêtir pour avoir chaud : le besoin d’appartenance à un groupe de gens d’exception et à se sentir accepté, de marquer sa différence. Et le besoin d’estime qui en découle. Certaines personnes espèrent l’accomplissement d’un certain mimétisme qui fera qu’ en possédant tel sac ou parfum de luxe, elle acquérra du même coup, les qualités exprimées par la marque et fera partie du sérail des privilégiés. Le chaland espère changer ou marquer son statut social, devenir extraordinaire. Mais aussi le besoin de se réaliser : certains affirment que ne pas avoir de Rolex à 50 ans est synonyme de vie ratée. Ce phénomène est généralement appelé « consommation ostentatoire ».
L’effet Veblen ou effet de snobisme, mis en évidence par l’économiste et sociologue Thorstein Veblen, est marqué- notez le choix du verbe – chez des consommateurs qui apprécient fortement le fait que les biens qu’ils consomment soient seulement abordables pour une petite faction de privilégiés dont ils sont. Une baisse du prix de ces produits aurait pour conséquence une chute de leur intérêt. D’une manière générale, ces individus ont tendances à désirer des produits aux prix élevés car ils traduisent un rang social et ayant une valeur pratique assez faible. Expression d’un besoin de reconnaissance, s’il en est.
Acheter un vernis DIOR à 27 euros alors qu’un vernis en grande distribution de la marque Labell ne coûte que 3,50 euros ? Une manière de lier un achat à un sentiment et une émotion ? Partiellement vrai parce que la qualité a tout de même aussi un prix-plancher.
Quintessence de la consommation plaisir, le luxe promet aux acheteurs de vivre une expérience émotionnelle inoubliable, un moment inouï, hors du quotidien et du temps.
« Le contraire du luxe, a dit Coco Chanel, ce n’est pas la pauvreté, c’est la vulgarité. » Pourtant, il existe un luxe vulgaire, n’est-il pas ? Jérémy Hackett , célèbre créateur de mode anglais, ajoute : « Quel que soit l’argent que l’on dépense, cela ne suffit pas à faire de soi un gentleman ». Cela se décline aussi au féminin.
(1) un test ? placer la chaussure sur un plan de verre.. si elle est de belle facture, elle restera stable