Le vandalisme culturel à Mossoul
Mossoul a été construite sur les ruines de Ninive du IIéme millénaire avant notre ère. Le musée de Mossoul renferme des collections d’objets inestimables et uniques – statues, frises, sculptures de villes royales comme Nimrud, Ninive, Hatra et du nord de l’Irak – des périodes assyrienne et hellénistique, datant de plusieurs siècles avant l’ère chrétienne. Dans une vidéo, postée sur internet le jeudi 26 février, des djihadistes font tomber des statues de leur socle, les détruisent à coups de masse ou au marteau-piqueur ainsi que des statues du site archéologique de la porte de Nergal, dont un taureau ailé assyrien en granit découpé à la scie mécanique.. Ils ont également fait exploser jeudi une mosquée du XIIe siècle dans le centre de Mossoul. Ils ont détruit 8 000 livres et documents rares de la bibliothèque centrale, le 22 février amplifiant la catastrophe commencée en janvier, où ils brûlèrent 2 000 livres de la bibliothèque de l’université. Seuls les livres traitant de l’islam auraient été épargnés.
Le peuple irakien est très fier de son passé mésopotamien. Par chance, beaucoup de statues cassées sur la vidéo sont des moulages car Saddam Hussein, pendant la guerre Iran-Irak, avait déplacé les originaux craignant pour eux. Mais hélas, pas tous.
Pillé en 2003 près la chute de Saddam Hussein, le Musée national d’archéologie de Bagdad a rouvert samedi 28 février, soit deux jours après le saccage du Musée de Mossoul
Comment des humains peuvent-ils anéantir l’œuvre d’une civilisation ?
Le 24 juillet 2014, toujours à Mossoul, ils avaient déjà détruit les principaux monuments religieux du judaïsme, du christianisme et de l’islam dont le tombeau de Jonas, cestui-là qui pour les Chrétiens, fut envoyé par Dieu pour convertir l’incrédule Ninive. Jonas est considéré comme un prophète dans la tradition juive. C’est aussi un prophète pour les musulmans, il est Nabi Younès dans le Coran.
Des talibans pilonnèrent à coups d’explosifs et de tirs de roquettes, en 2001, les Bouddhas de Bamiyan, statues bouddhistes de 38 et 55 mètres bâties entre IIIe et le Ve siècle, au nord-est de Kaboul (Afghanistan), pendant 25 jours.
Les trésors du Musée de Kaboul, de Ghazni et d’Herat ont aussi été détruits en mars 2001. Dix ans après leur destruction par le régime des talibans, les bouddhas géants de Bamiyan tardent à renaître, la vallée de Bamiyan sur sa liste du patrimoine mondial en danger dès 2003, ne s’est toujours pas mis d’accord avec le gouvernement sur leur sort.
Le grand Bouddha de Bâmiyân, 1931. Ce qu’il reste après 2001…
Des djihadistes en 2013 s’en sont pris aux manuscrits et mausolées de Tombouctou. Par chance, peu de manuscrits de valeur ont brûlé, parce que les bibliothécaires étaient héroïquement allés les mettre en lieu sûr à Bamako.
Pourquoi ? Pour les djihadistes, tout ce qui se situe avant l’ère islamique- soit à partir du premier jour de l’Hégire, le 15 ou le 16 juillet 622 ap. J.-C., selon les auteurs théologiens-, correspond à des idolâtries. Détruire des œuvres d’art, s’en prendre aux savoirs, c’est détruire l’identité des peuples, en privant les gens de leur passé et de leur Histoire, en le volant leur âme, il est possible alors, de leur imposer une autre pensée, une nouvelle façon d’être. Un être sans racine peut plus facilement être manipulé.
Le vandalisme culturel, un crime culturel contre humanité
Thomas P.Campbell directeur du Met à NY, l’un des plus grands musées du monde, a qualifié la destruction de « catastrophique» et a fait part de sa « grande tristesse».
«Une telle brutalité gratuite doit cesser, avant que tous les vestiges de l’ancien monde soient anéantis», a-t-il ajouté.
Toute la civilisation mésopotamienne, Sumer, Babylone, est aujourd’hui entre les mains de Daech. L’Irak perdra-t-il sa mémoire ? Peut-on qualifier ces actes de « mémoricides» ? La destruction du patrimoine culturel ne fait pas partie de la liste des « crimes contre l’humanité ». On ne peut mettre sur même plan, des crimes perpétrés contre des humains et la destruction de la culture et de l’identité d’un peuple. L’Unesco parle d’un «crime de guerre» pour qualifier les destructions de Mossoul et Nimroud. Est-ce que cela sera suffisant pour arrêter ces fanatiques ?
Source de la photographie de Bouddha en 1931 : « L’Illustration La mission automobile Centre-Asie (n° daté26 09 1391).