Tel était le projet du général von Falkenhayn : « saigner à blanc » l’infanterie française grâce à la supériorité de son artillerie. Malgré l’importance des moyens mis en place, l’histoire va en décider autrement.. La bataille de Verdun est une des plus longues et des plus dévastatrices batailles de la Première Guerre mondiale, ce qui en fait, la « mère des batailles » : 300 jours en enfer ! Pendant plusieurs mois sur cette enclave de quelques 5 kilomètres carrés, 378 000 hommes – 62 000 tués, plus de 101 000 disparus et plus de 215 000 blessés, souvent invalides – et 337 000 chez les Allemands. 60 millions d’obus y ont été tirés, dont un quart au moins n’ont pas explosé (obus défectueux, tombés à plat…). 9 villages ont été complètement rasés par les obus. Pour nous Français, Verdun sera « la » bataille de 14-18, la seule dans laquelle aucun de ses alliés n’a pris part.
7h15 : 21 février 1916, le pilonnage de nos positions du bois d’Haumont, du bois des Caures et de l’Herbebois commence. Un déluge de feu et de fer craché par un millier de pièces allemandes dont les terrifiantes Grosses Bertha, s’abat sur Verdun et ses alentours.
La Bataille de Verdun : la génèse
Cela fait environ 18 mois que l’Europe est en guerre. Mais quelle guerre ? Pourquoi une guerre mondiale ? Nous sommes le dimanche 28 juin 1914, jour de Vidovdan, fête religieuse importante chez les Serbes orthodoxes, qui célèbre la saint Guy. Cette date correspondait également au quatorzième anniversaire de mariage morganatique de François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, et son épouse Sophie Chotek, duchesse de Hohenberg. Il souhaitait offrir à son épouse d’un faste impériale que la cour lui refusait parce qu’elle était roturière. Ce voyage de l’archiduc héritier, inspecteur général des armées, était considéré par la minorité serbe comme une provocation. Le climat était propice à un attentat mais les autorités préférèrent ignorer ces signaux, ainsi que les informations de préparation de complots.
Le couple princier passa la nuit du 27 au 28 juin à Ilidža et prit à 9 h 25 le train pour Sarajevo, où il était attendu pour diverses réceptions. Et ce qui devait arriver, arriva : Plusieurs tentatives d’assassinat furent déjouées sur le chemin. Avant déjeuner, le couple souhaite rendre visite aux blessés de la bombe avant déjeuner. Le nationaliste de 19 ans serbe de Bosnie, Gavrilo Princip, placé devant le magasin Moritz Schiller’s delicatessen aperçoit, peu avant onze heures du matin, la voiture de François-Ferdinand qui passe près du pont Latin. Princip rattrape la voiture, tire deux fois : la première balle atteint la duchesse de Hohenberg à l’abdomen, la seconde balle atteint l’archiduc dans le cou. Tous deux sont conduits à la résidence du gouverneur, où ils meurent de leurs blessures quinze minutes plus tard.
Le 28 juillet 1914, soutenue par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie déclare une guerre « préventive » à la Serbie, ce qui, par le jeu des alliances, mènera à la Première Guerre mondiale. L’Europe s’engage alors dans quatre années de guerre. Selon certaines sources, l’empereur François-Joseph – vous connaissez son épouse Élisabeth dite « Sissi » – aurait signé la déclaration de guerre en disant : « Une guerre préventive, c’est comme un suicide par peur de la mort ».
La Bataille de Verdun : la plus terrible bataille que connu l’humanité
Fin 1915, les Allemands lancent une énorme préparation d’artillerie devant Verdun. Il choisit donc Verdun pour sa vulnérabilité et aussi parce qu’il n’aura pas à déplacer beaucoup de troupes. L’état-major français observe ces mouvements mais considère l’endroit, boueux en hiver, avec trop de dénivelés, comme peu favorable à une attaque d’envergure.
Le 21 février 1916, il est 7h15 du matin, lorsque l’armée allemande fait donner l’artillerie sur les lignes françaises. Sur Verdun même, les premiers obus tombent à 8h15 et visent la gare et les ponts en amont de la cité. Fidèle à une stratégie qui sera désormais suivie par toutes les armées, l’artillerie « prépare le terrain » en pilonnant les lignes françaises pendant plusieurs heures. Le Trommelfeuer, le feu roulant, les orages d’acier. Et en fin d’après-midi, l’assaut est lancé sur des troupes que l’Etat Major allemand croit à l’agonie.
Côté français, la surprise a été « presque » totale et le choc effroyable. La retraite attendue par le général Erich von Falkenhayn, commandant en chef de l’Armée allemande, n’a pas lieu. Les survivants des deux divisions françaises ne battent pas en retraite, ni ne se rendent. A dix contre cent, fusils Lebel contre Mauser et lance-flammes, la défense française s’organise. L’Armée française fait passer à Verdun, par rotation, 70 % de ses Poilus, ce qui contribua à l’importance symbolique de cette bataille et à la renommée du général Pétain qui en commanda la première partie. Les Poilus qui en réchappent, bénéficient de répit à l’arrière – pour 4 jours de combat, deux jours de repos – et se refaire un moral. Ce dont ne bénéficient pas les soldats allemands.
Verdun, l’enfer
Des villages entiers seront détruits, les champs seront labourés par les obus, l’air pollué et irrespirable par les gaz toxiques, les bois cèderont la place à un paysage lunaire fait de cratères et de tranchées dans lesquels se terrent les survivants. Un pilonnage continu. Les soldats des deux pays se battent pour quelques mètres, baïonnette au fusil, couverts de boues, assoiffés, asphyxiés, rompus… Les villages perdus un jour sont reconquis le lendemain : Fleury devant Douaumont sera pris et repris 16 fois, Vaux treize fois. La ligne de front avance, recule, mais ne cède pas.
Sur les 2 000 hommes du 362ème RI, il n’en reste que 50 debout. Les chiffres des pertes donnent le vertige. Près de 20 000 hommes tués en quelques jours. Le village de Brabant est évacué le 23 février. Samogneux, Beaumont, Ornes sont perdus le jour suivant. Neuf villages seront complètement détruits, « morts pour la France ». Le fort de Douaumont, occupé par une cinquantaine de territoriaux, est pris le 25 février, par surprise et sans combat, par une patrouille de reconnaissance ennemie. La propagande allemande crie victoire. La bataille continue. Le courage et le calvaire des défenseurs commencent à être connu à l’arrière. Le général Pétain, à la tête de la 2ème armée française, prend le commandement des opérations sur le front de Verdun le 26 février.
La voie sacrée, un atout pour la bataille de Verdun
Reliant Baudonvillers et Bar-le-Duc, une noria de camions va acheminer les premiers renforts, ravitailler le front, renouveler les troupes régulièrement – 2 500 000 combattants français emprunteront le tourniquet de la Voie Sacrée – , amener le fourrage pour les chevaux et ânes, sur la route reliant Bar le Duc à Verdun, baptisée plus tard par Maurice Barrès, la « Voie Sacrée », une voie de 7 mètres de large qui permet deux voies.
La belle idée mise en place par le Capitaine Doumenc, dès le 22 février 1916, connaît son premier grippage, le 28 février à cause des conditions météorologiques : le sol gelé, se détrempe à cause du soleil qui pointe son nez. Les roues des camions creusent des ornières qui se remplissent d’eau. Cette voie n’est pas une route tranquille : il faut la remblayer ! Mais avec quoi ? Qu’à cela ne tienne, on fait venir des cailloux des carrières environnantes. Point de dameuses ! Encore une fois, on a des idées : les camions seront dotés de bandages et non de pneumatiques, tasseront le gravier de leur poids. En 10 mois, ils utilisèrent 700 000 tonnes de pierre. 8200 hommes seront affectés à l’entretient de la route et à l’extraction des carrières. Nuit et jour, les hommes entretiennent la route, des hommes trop âgés pour être au front que les combattants gagnant le front, surnommèrent de l’affectueux nom de « pépères ». Cette route fût la première de l’histoire à être simultanément détruite et reconstruite dès qu’un trou se forme.
« Courage, on les aura !» encourage Pétain
Facile à dire lorsqu’on est à l’arrière ! C’est quasiment l’apocalypse sur la rive droite de la Meuse. Les Poilus meurent sous les obus, sous les balles, asphyxiés, transpercés par une baïonnette, au bord d’une tranchée, dans un trou d’obus, empêtrés dans les fils de fers barbelés, enterrés dans la boue sanglante du champ de bataille. Et s’ il a la chance de ne pas mourir, il reviendra blessé, handicapé, une « gueule cassée ». Et pourtant, Les courageux Français ne lâchent rien. Mais les efforts sont colossaux, abyssaux. Le 9 avril, le Morthomme est pris par les Allemands qui sont à quatre contre un. Falkenhayn croit la victoire à sa portée.
Voici le mois de mai qui cette année-là ne fut pas joli : Le 1er mai, Joffre remplace le général Pétain par le général Nivelle, qu’il juge plus offensif. Les oiseaux ne chantent pas, les fleurs, les feuilles ne poussent pas. Le bruit des canons résonnent, les obus sifflent, les gaz fusent ! Après un siège de sept jours, les Allemands s’emparent du fort de Vaux le 7 juin malgré la résistance héroïque du commandant Raynal saluée par l’ennemi. Les Allemands souhaitent gagner Verdun, c’est leur objectif ! Fleury nous est repris le 23 juin. Nos Poilus se défendent avec une énergie incroyable. Le 12 juillet, le Kronprinz, Guillaume de Prusse, à la tête de la 5ème armée allemande, reçoit l’ordre de se contenter désormais d’une action défensive.
Du 21 au 24 octobre les Français pilonnent les lignes ennemies.
Le 24 octobre, les Allemands, écrasés et gazés par des obus de 400 mm, abandonnent le fort de Douaumont. Le fort de Vaux est repris le 3 novembre. Au 21 décembre, au terme de 300 jours et 300 nuits de combat, la plupart des positions perdues pendant la bataille ont été réinvesties par l’armée française. L’hiver peut s’installer. La bataille de Verdun est gagnée mais à quel prix !
Le bilan est de 700.000 blessés tués et disparus et six villages détruits : Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux et Louvemont-Côte-du-Poivre.
Pour la nation tout entière, Verdun devient le symbole du courage et de l’abnégation. Pourtant, je me demande à posteriori à quoi cela a servi. Surtout lorsque je songe à tous ces pays en guerre en 2016.
Sources : HEUZE Paul, «La Voie Sacrée, le service automobile à Verdun Février-Août 1916», in La Revue des deux Mondes, 15 décembre 1918, p 898-936. – la bataille de Verdun