Strauss.. vous pensez immédiatement à la valse. Cela dit, ses contemporains, saluèrent le chevalier et la rose comme étant une nouvelle opérette du roi de la valse, alors vous pourriez aussi le penser ! En fait, non. Il ne s’agit pas de Johann mais de Richard ! Certes, cet opéra est bien léger si on songe à Salomé- 1908- et Électra- 1909- qui sont très sombres mais c’est bien un opéra. Que Richard y ait glissé des valses est un fait, de même qu’elles participèrent, à ne point en douter à ce que l’oeuvre soit aimée. Ce Chef d’oeuvre le Rosenkavalier/Le chevalier à la rose se rapproche davantage de l’esprit de l’opéra bouffe du XVIIIe siècle par une intrigue libertine fondée sur les quiproquos.
Le chevalier à la rose /Der Rosenkavalier: un opéra mélancolique et bouffon entre badinerie et nostalgie
En 1808, le comte Harry Kessler (1868-1937), diplomate, homme de culture et esthète allemand, assiste à la représentation de L’Ingénu libertin, ou la Marquise et le marmiton, opérette à succès de Claude Terrasse compositeur – beau-frère du peintre Pierre Bonnard – aux Bouffes-Parisiens. Il en fut très impressionné et en parle à son ami Hugo von Hofmannsthal. Richard Strauss souhaite créer un opéra plus léger. Il commande à son librettiste Hugo von Hofmannsthal qu’il avait surnommé « son Da Ponte » – en référence au librettiste de Mozart – ou même son « second moi », une comédie. En manque d’inspiration, Hugo s’inspire de cette opérette qu’il mouline avec Les noces de Figaro et Monsieur de Pourceaugnac, la célèbre comédie-ballet de Molière pour le personnage d’Ochs.
Cet opéra créé en 1911, est en trois actes et non en un seul, et l’intrigue n’est pas issue de la Bible ou de l’Antiquité grecque.
Pour la petite histoire, le titre n’était pas une évidence. « Moi, Le Chevalier à la rose ne me plaît pas du tout ; ce qui me plaît, c’est Ochs ! Mais que voulez-vous faire ? Hofmannsthal aime ce qui est tendre, éthéré, ma femme m’ordonne : Le Chevalier à la rose. Alors va pour Le Chevalier à la rose : le diable l’emporte » écrivit Richard au décorateur Alfred Roller.
Résumons très schématiquement l’histoire, très commedia del’arte : un barbon veut épouser une oie blanche, et un « freluquet du haut de ses dix-sept ans ! » se met en travers.
A l’ouverture des rideaux, nous découvrons la Maréchale, la princesse Werdenberg au lit mais pas avec son mari.. Non, avec le comte Octavian dit Quiquin. La musique évoque très bien la belle nuit d’amour qu’ils ont partagée. Survient le Baron Ochs von Lerchenau, cousin peu distingué de la Maréchale, toujours prompt à s’encanailler avec la première femme de chambre venue, ruiné mais cherchant fortune. Que veut-il ? Il vient lui annoncer ses fiançailles avec Sophie Faninal, la fille d’un bourgeois fortuné. En fait, Ochs vient surtout quérir un chevalier car, selon la tradition – laquelle ? -, c’est un chevalier qui est chargé de porter à sa fiancée une rose d’argent. Octavian accepte. Et ce qui devait arriver arriva : Coup de foudre entre Sophie et Octavian qui, du coup n’est plus du tout pressée d’épouser le Baron.
Elisabeth Schwarzkopf, Sena Jurinac, Anneliese Rothenberger, Wiener Philharmoniker conducted by Karajan, from the 1962, film directed by Paul Czinner
Strauss a souhaité que Ochs soit un Don Juan paysan, rustre, beau, aristocrate. Il l’est ! Il s’en suit toute une série de pérégrinations truculentes et burlesques. Rassurez vous, tout finit bien… enfin presque si on accepte que la Maréchale laisse « le temps couler sur ses tempes, sans bruit comme un sablier ». Ses émois de femme mûre qui renonce à ses amours émeuvent et enchantent.
Pourquoi j’aime le chevalier à la rose ?
L’intrigue est située, comme le précise bien le livret « À Vienne, dans les premières années du règne de l’impératrice Marie-Thérèse ». Elle avait pour objectif de faire réfléchir le public de 1910. La monarchie austro-hongroise va bientôt disparaître, l’aristocratie décline au profit de la bourgeoisie. C’est aussi l’époque où la psychanalyse de Sigmund Freud commence à émerger. Le drame du Rosenkavalier aborde les questions du vieillissement, de la fragilité de l’amour entre un jeune homme et une femme plus âgée. Mais quel âge a donc La Maréchale ? Pas plus de quarante ans mais en 1911, à cet âge, une femme est vieille ! Qui plus est avoir une relation amoureuse avec un homme ayant la moitié de son âge est inenvisageable ! J’aime bien La Maréchale : elle n’incarne pas que la tristesse pour moi. Dans le premier acte, elle profite des joies offertes par un jeune amant pour compenser un mariage malheureux. Au fur et à mesure, elle nous montre une belle grandeur d’âme, elle est généreuse, lucide et apaisée.
Le livret est magnifiquement écrit : Beaucoup de poésie et de délicatesse, surtout lorsque Hugo von Hofmannsthal évoque l’amour fugace, les affres du temps.. Même les farces ou autres « burlesqueries » sont élégantes. La partition est d’une richesse extraordinaire.. elle laisse entendre Mozart, Wagner, Verdi.. et Richard Strauss.
Vous trouverez le livret complet ICI
Aimez-vous cet opéra ?