Premier jour de Décembre, faisons le récapitulatif de mes lectures de ce mois de Novembre. De belles découvertes avec la petite menteuse de Pascale Robert-Diard ou Tenir jusqu’à l’aube de Carole Fives.
La petite menteuse, proposé au Prix Goncourt 2022
Ce roman est prétexte à une véritable réflexion sur la parole de la victime et son écoute.
Le pitch : Alice Keridreux, avocate pénaliste, reçoit Lisa Charvet, 20 ans qui souhaite qu’une femme assure sa défense dans le procès en appel où elle est victime de viol lorsqu’elle avait 15 ans…
Un sujet délicat, osé, traité avec délicatesse et talent… qui parfois met mal à l’aise…complètement à contre-courant du mouvement metoo.
Un livre que j’ai dévoré quasiment d’une traite ! Conseillée par mon cher neveu qui oeuvre aux éditions Iconoclaste.
Cet ouvrage pose mille et une questions : la cruauté des années-collège-lycée, les difficultés, la fragilité et la cruauté de l’adolescence, le besoin d’exister, le harcèlement, la mauvaise réputation, des relations familiales, des difficultés à trouver sa place, l’engrenage lié à un mensonge qui apporte des effets secondaires agréables (enfin, des gens s’occupent d’elle, font attention à elle), l’erreur judiciaire, la fragilité de la parole, de l’interprétation des autres… « Plus je mentais, plus je souffrais, plus je souffrais, plus on me croyait. »
Lisa est menteuse mais Lisa est courageuse. Son mensonge a coûté beaucoup trop cher à l’accusé – qui a écopé d’une peine de prison de dix ans en première instance- mais ce n’était pas l’axe de réflexion, c’est vrai.
J’ai beaucoup aimé l’écriture de l’auteure, tonique et précise, le récit est clair, limpide. Pascale Robert-Diard -chroniqueuse judiciaire au Monde – connait bien les arcanes de la justice, et nous tient en haleine, dans les coulisses de la loi.
Un moment du livre rempli d’émotions : les dépositions des deux professeurs et du directeur.
Alice Keridreux l’avocate est un personnage bien campé et attachante… On pense avec elle…
J’aurais aimé que la discussion avec Adèle, la petite amie de son fils soit plus étoffée, plus argumentée que « traiter de conne une fille plus jeune qu’elle au prétexte qu’elle allait nuire à la parole des femmes » p125..
J’ai adoré la plaidoirie qui sonne juste.
Un bémol : le titre qui dévoile l’intrigue.
L’avez-vous lu ? S’il est dans votre WL, sortez-le.
Pascale Robert-Diard. EAN : 9782378802998 – 216 pages L’ ICONOCLASTE (18/08/2022)
La malediction d’Edgar de Marc Dugain
A la suite de « Ils vont tuer Robert Kennedy », je me suis lancée dans la lecture de cet ouvrage.
J’aime bcp l’écriture de Marc Dugain et ses sujets de livres. Celui-ci ne fait pas exception, j’ai adoré ! Lu quasiment d’un trait !
John Edgar Hoover raconté par son numéro 2 et amant Clyde Tolson. Edgar l’indéboulonnable, a dirigé le FBI sous 8 présidences – de Coolidge à Nixon – 18 Ministres de la Justice – 48 ans de pouvoir. Et quel pouvoir ! Bien sûr, c’est un journal romancé, mais ce roman richement documenté raconte aussi l’histoire des Etats-Unis : crise des missiles, baie des cochons, Vietnam, maccarthisme, les Kennedy père et fils, Martin Luther King, la mafia, Marylin, Sinatra, Watergate, CIA…
J’ai aimé – même si je ne vois pas le lien avec le FBI – l’exposé sur la pensée de Camus (chapitre 34)
Dugain arrive presque à nous faire nous attendrir sur Hoover.. Mais le comportement qu’il lui prête face à Tolson le fait redescendre de son piédestal. Cet homme est suffisant, mégalo, hypocrite, menteur, vindicatif, fourbe, raciste… On se demande comment aurait tourné le monde sans cet homme de l’ombre !
Je retiens deux de ses citations : « Les femmes aiment l’argent et les hommes les femmes, c’est assez pour comprendre le monde » et « Au poker, regarder le jeu de son adversaire dans le reflet de la vitre contre laquelle il s’est adossé, on dit que c’est tricher. En politique, c’est anticiper »
J’ai découvert un Nixon bien différent de ce que je connaissais ainsi qu’Eleanor Roosevelt. Cela m’a donné envie de mieux la connaitre.
Un livre passionnant, une immersion dans les coulisses du pouvoir américain du XXème siècle
Captivant ! Je vous le recommande.
Je n’ai pas vu le film Hoover de Clint Eastwood avec Léonardo di Caprio car les critiques étaient plutôt mitigées… Pour donner suite à cette lecture, je vais le regarder.
Marc Dugain. EAN : 9782070339679 – 512 pages GALLIMARD (31/08/2006)
Tenir jusqu’à l’aube de Carole Fives
Alerte coup de coeur. Délicat de dire que j’ai beaucoup aimé lorsqu’il s’agit d’un tel texte !
Court roman que l’on ne peut quitter avant la fin… Tellement la peur qu’il arrive un drame est présente… Pourtant le drame, il est déjà là. Comment cette histoire d’amour maternel va-t-elle se finir ?
Je suis passée par toutes les émotions, la gorge nouée… Cette maman solo graphiste freelance, qui doit prendre en charge son fils de deux ans vit un vrai parcours de combattant ! Elle ne se plaint pas, elle aime tellement son fils, elle assume son rôle de mère-courage… Il y a bien un Papou mais il est plutôt culpabilisant qu’aidant !
L’auteure cerne très bien les petites choses du quotidien avec un bébé. Et puis, il y a les jugements, le regard des autres, l’huissier, les forums, la bien-pensance, les factures à payer, la peur du lendemain, le manque de sommeil… Glaçant !
Mais où est le père ? Elle assure pourtant une belle place à ce père absent.
Elle cherche des réponses, elle se débat prise dans la nasse qu’elle est.
Elle se trouve une soupape : comme la chèvre de monsieur Seguin – histoire qu’elle raconte à son fils – elle tire sur la corde et elle s’autorise à fuguer pour prendre l’air qu’elle n’a plus.
Carole Fives a choisi la distance avec les protagonistes, elle n’a pas donné de prénom ni à la maman, ni au petit garçon…
Est-ce un reflet de notre société ?
L’écriture est alerte, coupante, saisissante, efficace, incisif. La fin est surprenante, je ne m’y attendais pas.
J’ai bien deux petits bémols, à distance de la lecture qui ne changent rien à mon appréciation de ce livre.
Je recommande.
Carole Fives – EAN : 9782072797392 – 192 pages GALLIMARD (16/08/2018)
La fille des templiers de Mireille Calmel
Deux volumes pour cette histoire de la fille des templiers. Une petite lecture détente.
J’ai adoré La marquise de Sade de la même auteure, en son temps et j’aime les romans historiques.
Je recherchais la saveur des Rois Maudits de Druon la vraie série, celle avec Jean Piat ..
Le tome 1 s’ouvre ainsi : 19 mars 1314. Jacques de Molay, le dernier grand maître de l’Ordre du Temple, est brûlé en place publique. Il a été condamné par le roi Philippe le Bel qui reproche aux Templiers de dissimuler un fabuleux trésor. Soudain, une colombe dépose un message entre les mains du souverain : le roi et ses fils paieront pour ce crime ! Souvenez-vous du « Soyez maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! »
Huit ans plus tard…. 15 juillet 1322. Une jeune paysanne, Flore Dupin, est pourchassée par Robert Gui, chef de l’inquisition.
Le premier chapitre avec le supplice de Jacques de Molay est très bien décrite, elle donne des frissons… on espère à tout moment une grâce.. Qui ne viendra pas… On le savait !
J’ai trouvé Flore un peu mièvre, surtout dans le tome 1. J’ai très nettement préféré Jeanne de Rethel, courageuse et audacieuse. Une autre femme forte : la comtesse de Rethel, sa mère. Son père est aussi un personnage intéressant, Adémar de la Broce, les saltimbanques également nous présentent de belles personnes…
J’ai apprécié chevaucher à bride abattue dans la forêt d’Orient, me frayer un chemin dans les rues de Paris, les dialogues avec le vocabulaire d’époque. (J’ai dû consulter mon dictionnaire )
Lire un roman de Mireille Calmel, c’est l’assurance de passer un bon moment.
Aimez-vous les romans historiques ?
Mireille CalmelLa fille des Templiers tome 2 sur 2 – EAN : 9782374480183 – 391 pages – XO EDITIONS (20/09/2018)
Le café du temps retrouvé de Kawaguchi
Une ambiance si douce, bienveillante, sage, magique, touchante qui nous fait rencontrer de belles personnes, de beaux sentiments…
N’ayant pas lu le premier tome Tant que le café est encore chaud, je craignais de manquer de certains éléments m’empêchant de profiter pleinement de ma lecture. Non, car l’essentiel est répété ( très souvent)
Il s’agit d’un café tokyoïte Au Funiculi funicula, dont la légende raconte qu’il est possible de remonter le temps et même plus délicat certes, d’avancer dans le temps… pour cela, il vous faut prendre le siège de la dame en blanc (on ne sait pas lorsqu’elle le laissera libre !) et la durée de l’échange durera le temps que votre café reste chaud. A noter tout de même : il est important de se rappeler qu’en aucun cas un tel voyage ne peut modifier le présent.
Quatre histoires, quatre petites nouvelles : Gôtarô voudrait retrouver Shûichi son ami décédé il y a plus de vingt ans ; Yukio, revoir sa mère récemment décédée ; Katsuki, retrouver la jeune fille qu’il regrette de n’avoir épousé ; Kiyoshi, un vieil enquêteur, offrir à sa femme son cadeau d’anniversaire… Je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler. L’amour est toujours présent dans ce roman
Nagare Tokita derrière le comptoir, sa fille Miki de sept ans -un joli personnage cette petite fille – qui rêve de verser le café qui aide à retourner dans le passé. Il est secondé par Kazu, serveuse de ce café si discrète et efficace.
De belles émotions, des enseignements sur l’amitié, l’amour, sur la famille, les regrets, les désirs. Un roman étoilé
Avez-vous envie d’un saut dans le temps, sans rien en changer ? Que feriez-vous ?
Ce roman est une lecture apaisante qui met dans l’ambiance de Noël.
Toshikazu Kawaguchi – EAN : 9782226475343 – 224 pages ALBIN MICHEL (02/11/2022)
La saga des Cazalet
Ecrit dix-huit ans après le quatrième opus de la saga des Cazalet, avec la fin d’une ère, Elizabeth Jane Howard clôt le chapitre et nous laisse quelque peu tourneboulés. Il faut savoir partir..
Les couvertures de Mathieu Persan me font toujours autant craquer.
La saga des Cazalet.. C’est finiiii ! Je suis triste de quitter cette famille so british … J’ai même fait durer les derniers chapitres… Toujours fan des couvertures de Mathieu Persan.
Presque 10 ans ont passé depuis le mariage de Polly, l’union de Clary et d’Archie et le divorce de Louise.
La Duche s’éteint en juin 1956 et avec elle, les vestiges d’un monde révolu, son ombre bienveillante planant sur tout le roman.
Faire nos adieux à La Duche et au Brig, abandonner les trois fils Hugh, Edward et Rupert Cazalet, leurs épouses et enfants, petits-enfants, Rachel, Sid.. Mais aussi les gouvernantes et employés…
Ce dernier Noël à Home Place est très émouvant, magnifiquement conté. Home Place, cette propriété qui a vu tant d’étés ensoleillés, de peines, de joies grandes et petites, de découvertes, d’émotions…
Nous avons suivi cette famille depuis 1937 jusqu’en 1958, quatre générations de Cazalet. Les suivre dans 5 volumes d’environ 500 pages, cela en fait des aventures, des rencontres, des joies, des pleurs, des peurs. La psychologie des personnages est très fine et affutée. Cette saga présente des femmes magnifiques et l’évolution de la place des femmes. Un petit regret que le côté politique ne soit pas aussi développé que dans les précédents livres.
Ce dernier opus est plutôt mélancolique… faillite, déboires sentimentaux, trahisons, deuils… L’auteure a choisi de plus s’attarder sur Clary, les trois cousins et surtout Rachel qui prend une vraie épaisseur.
La plupart chapitres assemblent les protagonistes, plus de chapitre pour chacun. J’ai apprécié la description du quotidien jusque dans les moindres détails (les menus, les meubles, les vêtements, les musiques écoutées..)
J’ai beaucoup vibré avec le chapitre Rachel et Sid avec les Tonbridge p 308, un chapitre très affectant, très beau.
J’ai apprécié Polly dont le bonheur me réjouit.
L’égoïste Neville est peu intéressant. J’ai apprécié Roland. Je ne suis pas arrivée à faire amitié avec Diana, franchement très antipathique et sans classe, ni cœur. Subséquemment, j’ai beaucoup de compassion pour ce séducteur vieillissant Edward.
L’aventure de Teddy et Sabrina et sa détestable famille m’a semblé un peu longue, voire inutile. J’ai adoré Jemina, l’évolution de Zoé.
J’ai aimé Villy qui s’aperçoit qu’être aigrie ne la mène nulle part et l’empêche de profiter des joies de la vie. En revanche les arrière-enfants de la Duche ne m’ont pas trop emballée. Cela me console de la fin de la saga.. Nonobstant, j’aurais aimé en savoir plus sur l’automne de Rachel, Edward, Hugh, Rupert…
« La Fin d’une ère » est une lecture vraiment poignante. Le très beau coffret regroupant les cinq volumes fera des heureux à Noël
Elizabeth Jane Howard La saga des Cazalet – 560 pages LA TABLE RONDE (06/10/2022)