Voilà un premier roman qui fait sortir de sa zone de confort. Gwenaëlle Lenoir fait une entrée fracassante. Je suis d’ailleurs étonnée que ce livre n’ai pas plus d’écho. Inspiré de l’histoire vraie de César, nom de code d’un photographe légiste de la police militaire syrienne, qui a risqué sa vie pour documenter les crimes du régime de Bachar el-Assad.
«𝐶𝑒 𝑝ℎ𝑜𝑡𝑜𝑔𝑟𝑎𝑝ℎ𝑒 𝑒𝑥𝑖𝑠𝑡𝑒 𝑒𝑡 𝑣𝑖𝑡 𝑐𝑎𝑐ℎé 𝑞𝑢𝑒𝑙𝑞𝑢𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑡 𝑒𝑛 𝐸𝑢𝑟𝑜𝑝𝑒. 𝑆𝑜𝑛 𝑛𝑜𝑚 𝑑𝑒 𝑐𝑜𝑑𝑒 𝑒𝑠𝑡 𝐶é𝑠𝑎𝑟. 𝐿𝑒𝑠 𝑎𝑡𝑟𝑜𝑐𝑖𝑡é𝑠 𝑑é𝑐𝑟𝑖𝑡𝑒𝑠 𝑠𝑜𝑛𝑡 𝑎𝑣é𝑟é𝑒𝑠, 𝑙𝑒𝑠 𝑓𝑎𝑖𝑡𝑠 𝑠𝑜𝑛𝑡 𝑑𝑜𝑐𝑢𝑚𝑒𝑛𝑡é𝑠, 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑠𝑎 𝑣𝑜𝑖𝑥 𝑒𝑠𝑡 𝑙𝑎 𝑚𝑖𝑒𝑛𝑛𝑒.»
Le narrateur (sans nom), marié à Ania, une laborantine, et père de deux charmants enfants, Najma et Jamil, a une étrange profession : il est photographe légiste des services secrets à la morgue de l’hôpital militaire de son pays.
Ce matin-là, en photographiant quatre corps particulièrement suppliciés, il sent bien que ces morts ont quelque chose de particulier… Les jours suivants, d’autres corps arrivent et d’autres encore, toujours plus. Ces fourgons rouillés..
L’auteure ne dit pas dans quel pays nous sommes : au début, j’avais songé à la Libye. Puis, j’ai deviné que nous étions en Syrie. Cependant, même inspiré de ce pays, le texte possède une tonalité intemporelle qui pourrait hélas convenir à beaucoup de dictatures avec culte de la personnalité. C’est bouleversant et angoissant.
«…𝐽’𝑎𝑖 é𝑗𝑒𝑐𝑡é 𝑙𝑒 𝐶𝐷 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑛𝑒 𝑝𝑎𝑠 𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑜𝑏𝑠𝑡𝑎𝑐𝑙𝑒 à 𝑙’𝑖𝑛𝑣𝑎𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑙’ℎ𝑎𝑏𝑖𝑡𝑎𝑐𝑙𝑒 𝑝𝑎𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑠𝑙𝑜𝑔𝑎𝑛𝑠.»p 57
Il s’agit aussi de suivre cet homme ordinaire qui juste, parce qu’il est un humain va devenir un héros pour ces morts
« … ℐ𝓁 𝒻𝒶𝓊𝓉 𝓆𝓊𝑒 𝓁𝑒𝓈 𝓂𝑜𝓇𝓉𝓈 𝓅𝒶𝓇𝓁𝑒𝓃𝓉 𝓅𝒶𝓇𝒸𝑒 𝓆𝓊𝑒 𝓃𝑜𝓊𝓈, 𝓁𝑒𝓈 𝓋𝒾𝓋𝒶𝓃𝓉𝓈, 𝓃𝑜𝓊𝓈 𝓃𝑒 𝓅𝑜𝓊𝓋𝑜𝓃𝓈 𝓅𝒶𝓈 𝓅𝒶𝓇𝓁𝑒𝓇. ℐ𝓁𝓈 𝑜𝓃𝓉 𝒸𝑜𝓊𝓈𝓊 𝓃𝑜𝓈 𝓁è𝓋𝓇𝑒𝓈 𝑒𝓉 𝒶𝓇𝓇𝒶𝒸𝒽é 𝓃𝑜𝓈 𝓁𝒶𝓃𝑔𝓊𝑒𝓈… ».
J’ai eu peur, très peur avec lui… Son courage calme et sans et sans éclat m’a époustouflée. Quel dilemme entre faire connaitre ses horreurs et assurer la sécurité de sa famille ? Comment survivre à tant d’horreurs ? Comment ne pas devenir fou ? Qu’aurais-je eu la force de faire ?
J’ai aimé l’opposition entre ce pays si beau et ce que les habitants vivent, la force qui se dégage de la relation de ce couple..
L’écriture est simple, efficace, sans pathos, très addictive. Elle transcrit très bien cette situation si angoissante. La peur du héros, sa terreur suinte à chaque ligne, et elle est contagieuse. Et ces « 𝐶𝑒 𝑛’é𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑝𝑟𝑢𝑑𝑒𝑛𝑡 », 𝑙𝑒𝑠 « 𝐶’é𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑝𝑟𝑢𝑑𝑒𝑛𝑡 » .. qui jalonnent le livre comme une litanie…
La fin est très triste. Un roman que je n’oublierai pas. Lisez-le.
Camera obscura de Gwenaëlle Lenoir
224 p – 2024 – Editions Julliard
Chic, je viens de l’emprunter. Il me tarde de le lire.
hâte de lire ton article de retour