2 avril 1974, à 21 H 58, la France se retrouve soudain en état de choc, sans président : Georges Pompidou, Président de la République est mort dans son appartement parisien de l’île Saint-Louis. J’étais encore bien jeune mais je me souviens précisément de ce que je faisais lorsque cette nouvelle est tombée : un devoir de français en écoutant mon transistor. Mes parents étaient dans le salon, je courus leur annoncer.
La mort intrigue toujours les jeunes mais ce qui m’a marqué est qu’il veilla à garder sa maladie secrète, les déclarations officielles faisant état de « simples grippes ». Personne n’avait rien remarqué ? Certes, il se disait sous un traitement qui le fatiguait beaucoup, mais personne n’imaginait que cela puisse lui être fatal. Je trouve cette attitude très courageuse et très pudique. «On a beaucoup et partout discuté de son acharnement à exercer ses fonctions jusqu’au bout. Le courage était-il de partir, était-il de rester? Je ne tranche pas. Je crois comprendre qu’il y avait de la fierté dans cette façon d’afficher sa décrépitude» commentera Mitterrand qui lui aussi garda le secret sur sa maladie (1).
Ce Président décédé dans l’exercice de ses fonctions m’a impressionné
George Pompidou, Normalien, agrégé de lettres – premier à l’agrégation des lettres en 1934 – diplômé de l’Ecole libre des Sciences Politiques, poète – il publia une « Anthologie de la poésie française » en 1961-, banquier, eut une très belle carrière politique. Il fut un très proche collaborateur du général de Gaulle pendant près de 25 ans. Il le nomma Premier Ministre le 14 avril 1962 jusqu’à sa démission qu’il présenta le 10 juillet 1968.
Il joua un rôle capital dans la gestion de la « révolution de mai 68 » notamment en signant les accords de Grenelle.
Leur analyse de cette révolution était très différente : Pompidou voyait une crise de société, De Gaulle sentait une crise politique.
Le général De Gaulle démissionnera le 15 juin 1969. Georges Pompidou devint le 19 éme Président de la république face à Alain Poher, le 15 juin 1969 avec 58,2% (un vrai score qui en fait rêver plus d’un) avec ce slogan « le changement dans la continuité ».
Les années Georges Pompidou
La France d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était alors. Sous sa présidence, la France connut un véritable essor qui marquera la fin des Trente Glorieuses : forte croissance de plus de 6% – qui n’en rêve pas ?- , plein emploi, le tout-électroménager qui sortit les femmes des tâches ménagères, hausse de 25% du niveau de vie.. Jusqu’au choc pétrolier de 1973.
Actuellement encore, on parle avec nostalgie des « années Pompidou »
Georges Pompidou a su réconcilier la France d’en-haut et celle d’en-bas, le centre droit et le centre gauche, les gaullistes et les libéraux, les entrepreneurs et les banquiers, la France profonde – où il aimait se réfugier en vacances dans une bergerie du Lot – et celle des beaux quartiers.
Quelle était cette France des années 69 ? Des années où tout était osé : Jusqu’à marcher sur la lune ! Le 20 juillet 1969, les premiers pas sur la Lune par N. Armstrong, M. Collins et E. Aldrin.
Et aussi, lorsque Gainsbourg chantait « Je t’aime… moi non plus» en septembre 1969, Lennon met fin aux Beatles cette année-là.
Alain Peyrefitte, visionnaire, nous laissait entrevoir ce que deviendra l’Empire du milieu lorsque les Chinois auront atteint une culture et une technologie suffisantes dans « Quand la Chine s’éveillera » en 1973 (Avant lui, Napoléon prophétisait en 1816 «Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera.». Alain Peyrefitte écrira en 1996 : «La Chine s’est éveillée»… ce n’est donc pas comme si nous n’avions pas été prévenu de cet essor vertigineux de la Chine), les romans d’Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne Le Premier Cercle et Le Pavillon des Cancéreux, le premier tome de La Roue rouge paraissent en Occident et lui valent le prix Nobel de littérature en 1970, Jean d’Ormesson pastichait en 1971, les grands romans historiques avec La Gloire de l’empire contant la vie du grand empereur Alexis. Quant à Malraux, il couche l’essence des dialogues qu’il eut avec son grand ami de Gaulle dans Ces chênes qu’on abat.(2) , tandis que Robert Sabatier faisait pleurer dans les chaumières avec sa série des Allumettes suédoises.
Au cinéma, Orange mécanique de Stanley Kubrick, sortait sur les écrans en 1971 (film que je n’ai toujours pas vu.. et ne verrai surement jamais ), le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci en 1972, La Grande Bouffe de Marco Ferrerien 1973, firent rougir les spectateurs et en choquèrent plus d’un. André Cayatte en 1971 les fit pleurer et réfléchir aussi, avec Mourir d’aimer inspiré de l’histoire de Gabrielle Russier (1937-1969), Claude Sautet filmait les valses- hésitations – juré, ce n’est pas une allusion à l’actualité- de Romy Schneider entre Samy Frey et Yves Montant dans le magnifique César et Rosalie de 1972, avec « Nous ne vieillirons pas ensemble, » de Maurice Pialat mettait sa vie en bobines.. « L’aventure c’est l’aventure » de Claude Lelouch fit rire la France entière et continue du reste..
Homme politique brillant, d’autant plus qu’il restera lié aux années de prospérité. Homme de lettres passionné d’art contemporain. Homme de cœur humaniste, Pompidou était aussi à l’aise en botte de caoutchouc à la campagne, que dans les galeries d’art ; Grand collectionneur, familier de Max Ernst et de Sonia Delaunay, il fréquentait le Saint-Tropez des années 60-70.
Georges Pompidou fut obstiné à redonner à Paris sa place de grande capitale culturelle
«L’art est l’expression d’une époque, d’une civilisation, (…) le meilleur témoignage que l’homme – et aussi une nation – puisse donner de sa dignité.»
Il disait aussi : «On ne peut figer Paris dans le passé. Paris n’est pas une ville morte ; ce n’est pas un musée à entretenir». Il eut l’ extraordinaire idée de créer en plein cœur de Paris, un centre pluridisciplinaire dédié à la création moderne et contemporaine, où les arts plastiques côtoieraient les livres, le design, la musique, le cinéma. (3) En juillet 1971, un jury présidé par Jean Prouvé – très connu à Nancy- parmi 681 projets choisit celui de Renzo Piano et Richard Rogers. Leur structure futuriste dont beaucoup pensaient être des échafaudages, avec ses tuyauteries apparentes de toutes les couleurs suscita la polémique. Le nom de Georges Pompidou est indissociablement lié à celui du Centre Pompidou-Beaubourg, inauguré en 1977.
Personne ne remet en cause cette institution fantastique et si d’avant-garde en 71. Et même plus, le centre Pompidou de Metz, inauguré en 2010, en fut la première réalisation de décentralisation.
De tous ses grands travaux, il reste un regret : la destruction des pavillons Baltard des Halles.
Même s’il dit en 1971 : « Il faut adapter la ville à l’automobile », il se montre aussi très intéressé à l’environnement et à la conservation des paysages.
Avec la mort de Pompidou, une page de l’histoire se tourne
Héritier du général De Gaulle, sa disparition coïncide avec le début de la crise économique et les bouleversements sociaux qui en résultent. Les « années heureuses » de la France de Georges Pompidou, selon les termes d’Edouard Balladur, président de l’association Georges Pompidou, sont derrière nous. La France était alors « le Japon de l’Europe» ajoutait-il lors de la célébration du centenaire de sa naissance.
En ce jour anniversaire de sa mort, je suis sûre qu’il repose en Paix.
(1) La politique mensonge de Roger-Gérard Schwartzenberg (2) citation de Victor Hugo (3) Pour en savoir + sur Beaubourg
Photographie: Affiche de l’agence Reuters – Centre national d’art et de culture Georges Pompidou (Centre Beaubourg), de YannArthus-Bertrand
Annonce du décès de Georges Pompidou par Philippe Harrouard lors d’un flash interrompant le film des « Dossiers de l’écran » à 22h15.
Georges Pompidou était amoureux fou de Claude avec qui il partageait le goût de la culture.
Très bien votre site ! Moi qui suis comme vous un « fan » des années Pompidou (« Les Français aiment la bagnole ! »), vous montrez avec beaucoup de véracité que les Pompidou étaient un couple très uni ; cela se voit à la manière dont l’ancien président regarde son épouse ; il la couve des yeux et aime être en sa présence (elle le rassure et le détend, loin des pbs de l’Etat et de la politique, milieu qu’elle haissait à juste titre d’ailleurs).
Donc il l’aimait vraiment : CQFD.
C’est bien au plus sommet de l’Etat, et rare.
Merci.
ALP
Merci ALP. Vous avez raison, il la regarde avec une telle admiration, une affection chaleureuse. Le couple Pompidou était très unis par un très grand amour . Ces deux personnes étaient d’une très grande intelligence.