Les salons de la Maison Jacquemart-André pour l’exposition Désirs et volupté
Poursuivons notre visite au fil des antichambres. Entrons dans la Salle 4 : Femmes fatales : Découvrons des sorcières, des enchanteresses.. Henry Arthur Payne et sa « La mer enchantée », scène surréaliste du monde onirique, « Boule de cristal » où John William Waterhouse a peint une magicienne aux traits délicats, au lourd bandeau de cheveux foncés, vêtue d’une robe de velours grenat, en plein exercice de son art, grimoire ouvert.
Salle 5 : Héroïnes amoureuses : Dans la pure tradition littéraire de la légende arthurienne, Elaine follement éprise de Lancelot, qui la délaissera. Détruite par cet abandon, il ne lui reste qu’ à contempler son bouclier, elle en oublie de prier. Les lys à terre symbolise la fidélité et son surnom de Dame du Lys. « Le sentier de l’amour n’a jamais été facile» de Talbot Hugues. Je confesse d’avoir été amusée par le titre accrocheur. Ici, le sentier est difficile à pratiquer, la robe de la jeune fille se prend dans un rosier entremêlé de lys, symboles d’amour et de fidélité. Les broderies de sa robe d’époque Tudor nous rappelle les vertus à posséder : patience, prudence, vérité.. Le charmant Cupidon est certainement là pour l’aider, même s’ il n’a pas encore vu le serpent en bas à gauche.
Salle 6 : l’harmonie rêvée. « Les Jours passent» de John Strudwick, symbolise du regret du temps qui passe, en laissant échapper le présent. Cette oeuvre se regarde à la manière d’ une frise antique: le personnage central regarde sa jeunesse s’enfuir, ces belles années disparaisant dans le brouillard ; L’Amour, au dessus de son épaule, est effaré, le temps avec sa faulx tente de l’ empêcher de repartir vers le passé, il ne voit pas arriver sa vieillesse et la mort qui sort du brouilard. Le décor est en symbiose avec le temps qui s’enfuit : printemps et jeunesse, hiver et vieillesse.
Salle 7 : la volupté du nu. Dante Gabriel Rossetti et sa magnifique « Venus Verticordia » dont il réalisa quatre versions, illumine la salle. Elle tient une pomme, symbole du jugement de Paris qui précède la guerre de Troie, une flèche de Cupidon qui blesse les cœurs, la rose suave par son parfum et cruelle par ses épines. Il fait de Vénus, une irrésistible femme fatale. L’exceptionnelle « Crenaia, la nymphe de la rivière Dargle » de Frederic, Lord Leighton, fragile et si piquante, les yeux baissés, laissant voir son téton rose, sa cuisse, son ventre, faisant une avec la cascade. C’est coquin sans en avoir l’air, c’est très beau. Synchronicité: Cette très haute chute d’eau est celle du Domaine du Vicomte de Powerscourt, dans le Wicklow, pour lequel Leighton a peint cette nymphe diaphane, là même où John Boorman choisira de faire se rencontrer et s’affronter Arthur et Lancelot, dans son film Excalibur, en 1981. Inspirations de Titien, Ingres… Ces femmes du XIX éme siècle à la chevelure rousse et courte sont très modernes, très actuelles.
L’exposition se termine en apothéose, avec la salle 8 : culte de la beauté. « Courtiser sans espoir» de Sir Lawrence Alma-Tadema, dans un très joli décor, observons le regard plein d’espoir d’un jeune homme à couronne de fleurs, tendu vers une jeune femme qui s’ennuie, qui lui tourne le dos pour regarder vers l’infini où il n’est pas. J’ai beaucoup admiré « La Joueuse de Saz » de William C. Wontner, « L’absence fait grandir l’amour», avec Dolcissima le modèle au si joli profil, les couleurs fastueuses – le rose cramoisi du chiton et le jaune orangé du strophium, le bleu de la mer et le violet des iris – de John Godward.
Salon de thé du Musée Jacquemart
Cette flânerie parmi ces femmes fut très agréable, très douce, enchanteresse, bien qu’ elle ne donne qu’un aperçu de ce mouvement de peinture. Elle ne peut prendre fin qu’au salon de thé du musée même si l’ameublement et le service sont très ordinaires ; mais siroter son Sencha – pas en sachet- sous les regards complices de Chardin, Fragonard, Boucher en échangeant ses impressions sur l’exposition est tellement ressourçant.
Vous avez jusqu’au 20 janvier 2014 pour visiter cette belle exposition. J’ai eu plaisir à admirer des oeuvres qui sont habituellement conservées dans une colection privée.
Connaissez-vous le musée Jacquemart ? son salon de thé ?
Reproduction de couverture: le philtre d’amour de John William Waterhouse! quel regard!
http://blogs.psychologies.com/les-carnets-du-desir/desirs-volupte-128099.html
J’ai noté Aline cet article d’Alain Héril,psychothérapeute et sexologue, je vous remercie : je le copie: "Je suis allé au Musée Jacquemart-André voir l’exposition « Désirs et volupté ». Je n’avais jamais pénétré dans ce lieu étrange fait de salons, d’escaliers, de labyrinthe…Et au cœur de tout cela des œuvres victoriennes de la seconde moitié du XIX° siècle célébrant la beauté féminine."
Une impression de langueur, une atmosphère surannée, des pas feutrés, des visiteuses et des visiteurs muets, des glissements, des regards de biais… Les tableaux parlent d’érotisme et non de sexualité. Mais l’érotisme active le désir et le trouble. Et il est toujours étonnant de voir comment les visiteurs de ce genre d’exposition font l’effort de ne pas correspondre à ce qu’ils voient et à ce qu’ils ressentent.
Personne ne veut s’avouer troublé . Et pourtant l’atmosphère est à volupté et les regards parfois directs des héroïnes peintes nous rappellent sans cesse cette pamoison du désir dans laquelle nous aimerions tant nous dissoudre et nous découvrir…"