Je suis toujours déçue lorsque de belles maisons nous servent des thés en sachet de basse extraction. Prendre un thé est tout un art, un moment de plaisir renouvelé plusieurs fois dans la journée. Pas de sachet de thé jeté à la hâte dans un mug, ni même dans une tasse si fine soit-elle ! Je ne bois que du thé en vrac, sans lait, que je prépare avec tendresse, avec un même plaisir chaque fois renouvelé. Mais pour ceux qui en sont fan, quelques conseils afin de ne pas se priver d’un excellent thé !
L’histoire du sachet est amusante
En Juin 1908, Thomas Sullivan, marchand de thé américain, souhaitant économiser quelques sesterces, décida d’envoyer des échantillons de thé à ses clients et mit quelques pincées de feuilles de Camellia Sinensis dans de petits sachets de soie cousus à la main, plutôt que dans des boites en métal beaucoup plus onéreuses et plus difficiles à transporter. Lorsque les clients découvrirent les sachets, désarçonnés, ils choisirent de les faire infuser sans les déballer. Et le sachet de thé fut découvert !
Evolution du sachet de thé
Qu’il soit en gaze, en mousseline, en soie, en papier simple ou double chambre, sachet rond ou pyramidal, le sachet de thé a fini par conquérir le monde entier. La trouvaille involontaire de M. Sullivan est maintenant si populaire que 75% des Français prennent du thé en sachet plutôt qu’en vrac et que 54% le préparent directement dans un mug, une tasse ou un bol, 37% dans une théière, 9% prennent du thé dans les distributeurs (Je doute que ce soit vraiment du thé)
Toutefois, le sachet de thé originel a subi des modifications, surtout pour vaincre les réticences des amateurs de thé britanniques, plus sourcilleux sur la qualité des thés. L’un des premiers changements a été fait par M. Sullivan lui-même : il a troqué la soie pour la gaze parce que certains s’étaient plaint que la soie était trop fine et laisser échapper les feuilles.
Le sachet de thé de M. Rambold et Hermanson
L’évolution majeure intervint en 1929, lorsque l’Allemand d’Adolf Rambold se demanda « Comment faire pour que le thé diffuse harmonieusement tout en restant dans son sachet bien fermé ? » Adolf Rambold prit un morceau de papier de 15 cm de long, le plia de façon à créer deux poches, lui rajouta une agrafe avec une petite ficelle au bout. Rapidement suivi – mais à cette époque la communication étant difficile, je pencherais vers ce que les scientifiques appellent les synchronicités – en 1930, à Boston, par William Hermanson qui breveta le sachet de thé en papier de fibres thermosoudées.
Le sachet de thé et Tetley
Et ce n’est que bien après la Seconde Guerre mondiale, en 1953 que Joseph Tetley et Co ont commencé à produire les sachets de thé en série. Sara Howe, de Tetley, a déclaré: «Il est difficile d’imaginer ce que serait la vie sans le sachet de thé. » Et William Gorman, du Tea Council UK, a ajouté : « ….. dans notre vie trépidante d’aujourd’hui, nous n’aurions eu ni le temps ni l’envie de faire du thé à l’ancienne. » En 1964, le sac perforé finement a vu le jour. Le sachet moyen de thé contient 3,125 grammes de thé avec 2.000 perforations. Le thé en sachet n’a vraiment été accepté que dans les années 70 au Royaume-Uni.
« Aujourd’hui, il serait difficile pour beaucoup de buveurs de thé d’imaginer la vie sans eux » lit-on sur le site Tea Council UK
Le thé et les Anglais partagent une longue histoire d’amour. Avec le déclenchement de la guerre, Churchill a insisté pour que la Royal Navy ait un approvisionnement illimité et les réserves de thé ont été expédiées à 500 endroits secrets. Sur les plages de Dunkerque, 24 véhicules étaient réservés pour livrer du thé aux troupes assiégées.
Les sacs de thé de Sullivan était remplis de thés premium pleine feuille ! Que certaines marques en prennent l’exemple. Le thé en sachet est plutôt destiné aux amateurs, les fins connaisseurs préférant le thé en vrac, plus naturel et aux feuilles entières. Et aussi parce que le choix est beaucoup plus diversifié.
Conseils aux inconditionnels du sachet de thé
Pour les ardents défenseurs du sachet, pour ceux qui pensent qu’une théière, un filtre, une tasse, l’eau à la bonne température, cela fait beaucoup trop de manipulations ou de chichis, comment choisir son thé en sachet ?
Souvent les sachets contiennent des thés d’entrée de gamme, des brisures de feuilles de thé, des feuilles écrasées ou broyées, des tiges, des résidus invendables.
Le sachet étant opaque, le consommateur n’y voit rien. Ou alors, ils contiennent des mélanges ce qui nuit gravement au gout.
De plus, le thé étant en contact avec l’air ambiant, il perd rapidement ses arômes et doit être consommé rapidement après l’ouverture du paquet.
Dans un sachet, le thé prend les arômes des aliments environnants tels certains épices, il faut donc être attentif à sa conservation. L’infusion dans ces sachets ne permet pas de libérer l’intégralité des parfums. Les feuilles entières nécessitent plus d’espace pour se déployer, ce qui explique pourquoi les meilleurs thés sont mis dans des sacs de forme pyramidale, ou plus souvent, des pochettes en soie, mousseline ou en nylon, certains cousus à la main : Vous devez voir les feuilles se gonfler dès le contact avec l’eau chaude.
Les sachets ne doivent pas comporter d’agrafes ou pièces métalliques pouvant donner une saveur astringente à la boisson. Il est recommandé de n’acheter que des sachets biologiques, comportant des fils non blanchis au chlore. Le thé en sachet, notamment celui proposé par les grands producteurs, est de bonne qualité avec des feuilles entières. Au buveur de thé à être attentif et exigeant !
Mon usage de sachet de thé
Au travail, je me ressource du thé en mousselines Sencha Ariaké ou Tamaryokucha Impérial de Palais des thés ou au gré de mes humeurs, je me confectionne mes petits sachets avec du bon thé, car je manque de place et de temps, pour utiliser une théière. J’utilise des filtres bio de chez Gaïa : ils sont en effet conçus pour préserver la saveur des plus grands thés intacte. Ils n’ont subi aucun blanchiment et ont été assemblés sans colle, à l’aide d’une garniture de fibres pressée. Le soufflet inférieur donne aux feuilles assez d’espace pour développer toute leur saveur. Ils sont jetables : dès l’infusion terminée, je jette le tout.(1)
Je terminerais avec la réponse de François-Xavier Delmas, buveur expert de thé, dégustateur, fondateur du Palais des thés :
« Pour être bon, un thé doit avoir toute la place pour s’exprimer. Il ne faut pas le comprimer dans quelque chose. Les thés en sachets ne sont pas les meilleurs. À l’intérieur du sachet, on va d’ailleurs trouver des brisures de mauvaise qualité. La différence entre un thé en sachet avec des choses de mauvaise qualité à l’intérieur et un très grand thé est identique à celle entre un vin en brique et un vin dans une grande bouteille. Les thés en sachets ne sont donc pas aussi bons que les thés en vrac. ».
Qu’on se le dise !
Sources: Tea bag to celebrate its century By Andy Bloxham (1) n’ayant pas encore de composteur sur place, mais ils sont biodégradables.
Très intéressant et bien écrit , je suis débutant dans le monde du thé et j’ai tout compris
Merci . Joyeux thé