La Mer Morte vit des jours difficiles
Elle s’assèche au nord et déborde au sud. Cette étendue d’eau la plus salée au monde voit son niveau baisser inexorablement. En 50 ans, elle a perdu 25 mètres de hauteur et continue son infernale descente à raison de 1,20 m par an. Si rien n’est fait, son assèchement total serait prévu pour 2050.
Les activités humaines en cause dans la mort annoncée de la mer Morte
Les usines chimiques jordaniennes et israéliennes qui retraitent ses sels minéraux accélèrent son exploitation, tandis que le Jourdain, qui la nourrissait en eau douce, n’est plus qu’un ruisseau aux eaux sales : le Jourdain n’est plus capable d’assurer la rééquilibration des eaux de la Mer Morte ayant perdu 97% de son volume d’eau, il pourrait même s’assécher très rapidement si rien n’est fait. La situation est critique. Israël – l’eau est en partie déviée par Israël vers le lac de Tibériade -, la Jordanie et la Syrie – l’affluent principal, le Yarmouk, est abondamment utilisé par la Syrie et la Jordanie- sont conjointement responsables de cet assèchement.
Point le plus bas sur Terre, à environ 400m au-dessous du niveau général de la mer, la Mer Morte est divisée en deux bassins, le nord et le sud, qui se situent à des niveaux d’élévation différents, indépendants, à plusieurs kilomètres de distance. Des millions de tonnes de sel sont extraits et abandonnés chaque année autour de ces piscines, provoquant une montée de l’eau de 20cm par an. Le bassin sud menace aujourd’hui de déborder. Dans les années 60, Dead Sea Works a creusé un canal de 16km pour pomper l’eau salée du bassin nord pour irriguer le bassin sud, le transformant en réseau de piscines d’évaporation. C’est là que se trouvent aujourd’hui les complexes hôteliers israéliens, d’où les milliers de touristes expérimentent la flottaison de leur corps en raison de la forte teneur en sel. Pour le bassin nord, le problème est exactement l’inverse, avec un niveau de l’eau qui baisse continuellement et révèle un paysage lunaire en lieu et place des plages.
ll faut sauver la mer Morte
Le 9 mai 2005, la Jordanie, Israël et l’Autorité palestinienne ont signé un accord pour commencer des études de faisabilité d’un projet, officiellement appelé « le Canal des Deux Mers« . Il s’agit de construire un canal souterrain de 200 kilomètres reliant la Mer Rouge qui traverserait le désert d’Arava entre la Jordanie et Israël. Une moitié serait destinée à relever le niveau de la mer Morte et l’autre à la consommation, après traitement dans des usines de dessalement qui seraient à construire dans la zone autour de la ville jordanienne d’Akaba. La facture est aussi très très « salée » : 10 milliards de dollars, selon les estimations de la Banque mondiale.
Projet DISI pour sauver la mer Morte
L’eau est pour le royaume hachémite une question de survie. Lassée d’attendre Israël et l’Autorité palestinienne, qui étaient partie prenante de ce projet titanesque, la Jordanie a par ailleurs entrepris de capter les eaux de «Disi», aquifères fossiles qui datent de plusieurs dizaines de milliers d’années, située à 325 km au sud d’Amman avec la construction d’un pipeline long de 325 km. Ces travaux d’un milliard de dollars permettent d’extraire 100 millions de mètres cubes par an afin d’alimenter la capitale jordanienne et ses environs pendant un demi-siècle.
Le projet Disi fut réalisé en 4 ans. Le roi Abdallah II en a officiellement inauguré les installations à la mi-juillet 2013. Ces aménagements devraient à terme couvrir un cinquième au moins des besoins actuels de la Jordanie en eau potable. Cependant, plusieurs études ont indiqué des taux de radioactivité élevés dans l’aquifère, jusqu’à 20 fois les taux admis par l’OMS : les gouvernements jordanien et saoudien se veulent rassurants. « On est encore très loin de comprendre comment se produit cette radioactivité, précise Serge Lallier. Mais c’est un phénomène qui n’est pas rédhibitoire s’il est traité convenablement. » (2)
La lutte pour l’eau est devenue une réalité et un thème majeur de la politique internationale actuelle. De nombreux chercheurs ont d’ailleurs nommé ce siècle « le siècle de l’eau ».
Le 9 décembre 2013, la Jordanie, Israël et l’Autorité palestinienne signaient à Washington, l’accord tripartite régional qui finalise les termes techniques et financiers de la réalisation de ce projet, dont l’achèvement est prévu d’ici 2020. Le Canal de la Paix comme il est parfois nommé, suscite aussi des questions environnementales : l’arrivée de millions de mètres cubes d’eau par an, en provenance de la Mer Rouge, peut engendrer la prolifération d’algues rouges et entraîner augmentation de gypse blanc qui teinterait en blanc les eaux de la Mer Morte. Ces risques ont surement été évalués à leur juste valeur…
Puisse ce projet de sauvetage de la mer Morte entraîner les trois pays limitrophes dans une mobilisation des bonnes volontés pour résoudre ce problème écologique. La magie de cette réalisation pharaonique est d’être commune aux trois nations riveraines et de les réunir dans un projet pacifique, une coopération inédite entre Israël, la Jordanie et l’Autorité palestinienne, dépassant largement le cadre du projet de canal mer Rouge-mer Morte dont les retombées économiques et écologiques devraient bénéficier à tous.
Longue vie à la Mer Morte !
Dead sea : je flotte (1) Dead Sea : Enveloppements de boues (2)
Sources: Ezékiel project – les enjeux de l’accord signé le 10 décembre 2013. dans La croix-Le projet de canal mer Morte-mer Rouge RISQUES ÉCOLOGIQUES ET MARGINALISATION DES PALESTINIEN (2) info aqueduc
Photographies : earthsky : View from space: Dead Sea from 1972 to 2011– 325 km de pipeline pour alimenter Amman. (crédit Gama)- Le Jourdain aujourd’hui