« Il y a ceux qui, lorsqu’ils lisent un livre, se souviennent, comparent, évoquent des émotions éprouvées lors de lectures précédentes. C’est une des plus délicates des formes d’adultère. » observait l’écrivain argentin Ezequiel Martínez Estrada. J’en suis!
Je poursuis avec Eric Emmanuel Schmidt et « La femme au miroir ». E.E.S est un de mes auteurs préférés. J’adore son style et son écriture. Il nous propose de découvrir les destins croisés de trois femmes à des époques différentes : Anne à Bruges à l’époque de la Renaissance, Hanna à Vienne au début du XIXème siècle et Anny, comédienne hollywoodienne de nos jours. Le titre est déja initiatique ! Que voient ces femmes dans leur miroir ? D’abord, rien que leur image, pas leur âme.
Les trois héroïnes partent à la conquête d’elles-mêmes, trois femmes qui, indépendamment de l’époque finissent par refuser le chemin que les autres leur tracent pour affirmer leur vraie personnalité.
Les voies seront différentes : Anne choisira le divin, Hanna, le psychique et la psychanalyse avec un disciple de Freud et Anny la contemporaine, la drogue et le sexe. « Qu’est-ce qui est le plus difficile : souffrir de faire ce qu’on aime pas ou souffrir pour faire ce qu’on aime ? » Anne et Hanna « ne veulent pas que leur vie se réduise à servir un homme ou à lui fournir des enfants. » E.E.S cherche à nous interroger sur les priorités de notre vie. C’est amusant, j’ai cru entrapercevoir Thérèse Desqueroux- l’héroïne de Mauriac que j’affectionne – et Emma Bovary – celle de Flaubert qui m’irrite.. Le résumé du livre précise « Trois femmes : et si c’était la même ? » m’a un peu gênée car j’ai un moment tenté de trouver des similitudes, ce qui m’a un tantinet parasité la lecture. Et effectivement, et si ?
« Le soleil sous la soie » d’Eric Marchal, chercheur en immunologie de formation est messin ce qui m’a attiré. Son troisième roman est historique avec une belle intrigue, des références. A l’aube du XVIII siècle – 1694- Nicolas Deruet est un chirurgien vivant à Nancy dans une Lorraine occupée par les Français. La pratique de la médecine, de la chirurgie et des accouchements de cette époque est remarquablement expliquée. « Le soleil sous la soie »est aussi un roman d’amour car Nicolas Déruet est bien sûr irrésistible; Rosa, la future marquise de Cornelli et Marianne Pajot, sage-femme, vont s’arracher son cœur et son corps… Bref, agréable à lire.
« En France, tout le monde adore la musique, mais personne ne l’aime » disait Berlioz. Aimer la musique, c’est apprendre à la connaitre.
Avec « Dictionnaire amoureux de l’opéra » d’Alain Duault – animateur passionné et passionnant à Radio Classique et le Monsieur Musique Classique de RTL, écrivain ( lisez La Dévoyée ), poète- et « Dictionnaire amoureux de la musique » de André Tubeuf (4), c’est chose facile parce qu’agréable. Je n’ai pas fini de lire ou relire quelques unes des 1050 pages de l’un et des 700 de l’autre. J’aime les dictionnaires, et ceux-ci sont succulents et riches. Lorsque j’ai acheté celui sur la musique, j’ai foncé sur la page de Herbert Von Karajan. J’en lis quelques extraits, parfois au hasard, parfois en recherche ciblée. Toujours avec le même plaisir et le même apport.
Dans un autre style, j’aime fureter dans « les bizarreries de la langue française ». Un petit livre découvert par ML, dans la lignée de la « Petite anthologie des mots rares et charmants« . Amusant et si utile, à la présentation d’un dictionnaire. Encore. J’ai beaucoup aimé Ponctuation.
Dans la catégorie Poésie, je choisis « Poèmes de thé ». Bertrand Petit, un amoureux du Japon, s’est associé avec la calligraphe Keiko Yokohama pour nous faire partager une sélection des poèmes de Rikyu. Je l’avais déjà évoqué dans cette chronique : Joyeuse fête du thé . Les poèmes sont écrits en langue originale kanji mais aussi en Rōmaji afin de pouvoir s’imprégner de la sonorité nipponne. Ainsi, en lisant le texte en français, il est possible de ressentir la musicalité et le rythme du japonais. Lorsque le sens du poème est sibyllin, Bertrand Petit a ajouté une note explicative en bas de page. Je ne résiste pas à vous coucher ce petit poème :
« Voyez avec les yeux
Entendez avec les oreilles
Sentez les parfums
Et en étudiant comprenez»
Je ne peux pas laisser de côté, le dernier Janssen « Confidences d’un homme en quête de cohérence ». Cet opuscule décrit son cheminement et sa réflexion. Il nous aide à travers de ses confidences à cheminer vers notre propre cohérence. J’y puise les passages qui me parlent le plus et peuvent conduire à une réflexion toute en profondeur avec humilité. Un très joli livre.. « Le défi positif » est très documenté, avec foison de références, d’exemples et de citations, Thierry Janssen y parle d’optimisme, d’altruisme, d’intégrité, de créativité, de discernement, d’humilité, d’humour, de gratitude. Il nous offre les arcanes de ce que les philosophes de l’Antiquité appelaient une » vie bonne », éthique et esthétique. Si j’étais ministre, je mettrais ce livre au programme de philo..
Tout comme « l’Âme du monde » de Fréderic Lenoir qui nous livre un conte initiatique. A la veille d’une catastrophe apocalyptique, un jeune moine tibétain Tenzin et Natina, une jeune Européenne reçoivent les enseignements de sept sages de diverses religions ou spiritualités. Bergson disait que notre monde avait besoin d’un « supplément d’âme » pour faire face aux défis nouveaux. Captivant.
Ils sont plus que 12.. « On peut reconstituer la vie d’un lecteur d’une infinité de manières : en étudiant l’ordre des livres dans sa bibliothèque, en faisant l’inventaire des ouvrages empilés sur sa table de chevet, en déchiffrant les notes qu’il a griffonnées dans les marges, telles les pistes d’un animal dans la forêt» écrit Alberto Manguel (5) .
Nos livres révèlent une part de nous-mêmes, nos choix trahissent nos inclinaisons, nos préoccupations, nos peurs, nos curiosités, nos préjugés, notre histoire. Certains livres ouvrent des tiroirs que l’on croyaient fermés…
12 livres que j’ai aimés en 2012 (1) – (4) RDV sur leurs blogs:l’humeur d’ Alain Duault et l’oeil et l’oreille d’André Tubeuf..de jolies pépites (5) La Bibliothèque de Robinson. Autoportrait d’un bouquineur
Merci pour ces belles idées Pascale 🙂