Il fait un froid sibérien sur les hauteurs de Westhalten au lieu-dit Schlessleberg à l’extrémité du Strangenberg, en Alsace – et ailleurs aussi – ce 3 février 2012, et les viticulteurs du Domaine Seppi Landmann sont très heureux. A deux heures du matin, ils vendangent à la lampe frontale, en conditions extrêmes, pour obtenir les grappes qui produiront le merveilleux nectar qu’est le vin de glace.
Qu’est-ce que le vin de glace ?
La récolte exige un froid polaire et une belle dose de confiance : le raisin doit rester sur cep depuis l’automne, dans de bonnes conditions phytosanitaires, en attendant les bonnes conditions de cryoextration. Des filets de protection limitent les pertes dues en autres aux oiseaux, mais tout de même. La température extérieure doit descendre en dessous de 6 °C mais est optimale autour de – 13°C, tous les hivers ne sont pas aussi rigoureux. Les fiers vendangeurs sont surhabillés pour affronter les conditions difficiles ( froid, nuit, sécateurs en main gelée même gantée), l’ambiance est fébrile. Les raisins sont acheminés dans les chaix et pressés manuellement immédiatement, toujours avec des températures comprises entre -6 et -13°C. Le rendement est très faible: 100L à l’hectare (6000 l pour des vins classiques).
Le précieux liquide est mis à fermenter dans des barriques en inox. La fermentation est périlleuse et lente en raison de la concentration en sucre.
Après quelques mois, il sera mis en bouteille et prêt à éveiller des millions de sensations- en- bouche de consommateurs avertis et connaisseurs. La concentration en alcool est au alentour de 10°C.
Ce fut, comme souvent les belles découvertes, fortuitement que ce vin fut produit. En 1794, en Allemagne, surpris par les gelées précoces, des viticulteurs durent presser des raisins gelés. Ils furent ébaudis par le remarquable goût sucré du vin.
Grâce à la forte gelée, l’eau contenue dans le raisin est transformée en glace et seul, le jus sucré très concentré en arôme sort du pressoir, les cristaux de glace et la pulpe se trouvant retenus.
La concentration en sucre du résultat se rapproche de celle des vendanges tardives.
Sa robe mordorée, ses arômes de fruits secs, de rose, d’épices en font un vin d’exception et confidentiel. Les difficultés de maturation, d’extraction, la très petite quantité produite, justifient son prix (entre 200 et 300 euros la demie bouteille)*. Il se déguste frais – 6°C- avec du foie gras, des fromages – une merveille avec un Comté Rivoire-Jacquemin – , avec un dessert au chocolat ou pour les puristes, seul. Mais surtout pas comme les Canadiens, noyé par un Martini, de la vodka ou du gin.
En Alsace, Seppi Landmann, viticulteur qui n’a pas peur du froid, s’est donné mission de ne jamais rater l’occasion d’en produire, hiver après hiver. Depuis l’autorisation d’importation du vin de glace canadien en 2001, les Français redécouvrent le vin de glace français.. Contrariant ? Qui a dit » Consommons français » ? A vos papilles.