Louis II de Bavière se résume pour certains, à un roi « bâtisseur », à un roi « fou », ou plus malheureusement à « un homosexuel déjanté, avide de plaisir », ou à Helmut Berger, saisissant dans « le crépuscule des dieux » de Visconti avec l’impériale Romy Schneider en Sissi…* Et pourtant …
Paul Verlaine disait qu’il était le seul vrai roi de ce siècle.
Louis II de Bavière, Once upon a time
Louis Otto Frédéric Guillaume est né le 25 août 1845 aux alentours de minuit et demi dans une grande chambre du château de Nymphenburg, résidence d’été de la famille royale des Wittelsbach. Son oncle Luitpold, en conçut une certaine amertume, l’accès au trône pour sa descendance se trouvant barré. Sa tante déclara à leur fils prénommé également, Louis : « Aujourd’hui mon fils, tu n’es plus rien !». A 7 mois, cela peut induire une destinée.. Cet oncle devient Prince Régent Luitpold de Bavière à la mort de Louis II et son fils Louis sera le dernier Louis III, dernier roi de Bavière, destin tragiquement rejoué ..
Ses parents forment un couple disparate : son père, Maximilien de Bavière, érudit, entouré de scientifiques – il promut les travaux de Mendel sur l’hérédité – silencieux, peu expansif, surnommé le «Marc – Aurèle bavarois». Il deviendra le roi Maximilien II, le 20 mars 1848 car son père Louis Ier, fut contraint d’abdiquer car s’étant amouraché de Marie Dolores Eliza Rosanna Gilbert, la fameuse aventurière dont Lola Montés ( soit dit en passant, merveilleusement incarnée par Martine Carol dans le film de Max Ophuls).
Sa mère, Marie de Bavière, une Hohenzollern, se montre avide de grands espaces et de nature, elle nourrit une passion pour l’alpinisme qu’elle partage avec Louis.
Louis II devient roi le 10 mars 1864
Louis l’incompris a reçu une éducation très chargée pour son âge.. danse, escrime, dessin, musique, histoire, littérature, langues étrangères, équitation, natation, sciences naturelles… Il a une nature assez fantasque que son père ne comprend pas et ils évitent de se parler. Son père meurt dans de mystérieuses circonstances. Il accède alors au trône dans la liesse. Il a 18 ans, il est d’une beauté fascinante, a de la bonne volonté mais aucune expérience. Il déclara en 1873 : « Je suis devenu roi beaucoup trop tôt. Je n’ai pas assez appris. J’avais si bien commencé à apprendre le droit public. J’ai été arraché à mes études et mis sur le trône. Je cherche toujours à apprendre …»
Louis II de Bavière, extraordinaire roi bâtisseur
Hohenschwangau où il passera une enfance difficile dans un cadre magnifique et grandiose, où il vivra grâce aux fresques peintes toutes les grandes sagas mythiques comme Lohengrin, Charlemagne, la Jérusalem délivrée..
Neuschwanstein perché sur son éperon rocheux, il est le plus célèbre des châteaux. Il est d’ailleurs la source d’inspiration du logo de Disney et du château de la Belle au Bois Dormant. les travaux commencèrent en été 1868, il le voulait « plus beau et plus confortable que le château de Hohenschwangau». Il fut ouvert au public sept semaines après sa mort ! Je suis certaine qu’il doit être bien triste voire choqué de voir ces hordes de touristes en short, tongs et en K-way déambuler dans son château… Lui qui avait construit ce château pour s’éloigner des foules.
Linderhof et ses pavillons : à l’origine, ce n’était qu’un petit pavillon de chasse où le père de Louis II se rendait très souvent avec lui. En 1869, Louis II décide d’acheter les 80 hectares de terrain sur lesquels il se trouvait afin d’y faire construire un palais qui devint son lieu de résidence préféré. Il y adjoint un pavillon inspiré du Trianon, un pavillon mauresque – construction métallique acquise à l’Exposition Universelle de Paris en 1867 – et la fabuleuse grotte de Vénus, caverne artificielle aménagée pour recréer l’ambiance de l’épisode du Venusberg de l’opéra de Richard Wagner Tannhäuser.
Louis aimait aller sur « sa barque » en rêvant et écoutant la musique de Wagner jouée par un orchestre dissimulé derrière les rochers. La Hundigshütte est issue d’un opéra de Wagner la Walkyrie. L’intérieur est rustique avec peaux d’ours et bois.
Schachen est également haut-perché à 1866 m d’altitude. Il n’était alors accessible qu’en traîneau à partir du château d’Elmau. Il est souvent appelé « pavillon de chasse », fort mal à propos car louis II n’était pas du tout chasseur. D’extérieur plutôt simple, la maison de bois de style chalet, cache au premier étage une magnificence orientale de style mauresque.
Herrenchiemsee le «petit Versailles», le dernier est inachevé. En mettant à sa disposition les fonds requis, Bismarck obtint la reconnaissance du Roi de Prusse comme empereur d’Allemagne. Après sept années, les travaux seront interrompus faute d’argent, mais Louis II peut s’installer dans le palais, où il ne vécut que 16 jours.
Il laisse de nombreux plans et planches d’œuvres programmées qu’il ne pût réaliser : Falkenstein, au sommet d’un pic rocheux dont le terrain était déjà acquis, un palais byzantin, un palais chinois..
Louis II de Bavière, roi soucieux des plus démunis
Au regard des dépenses fastueuses induites par ses constructions, créer une « soupe populaire » ou un système de protection sociale .. peut paraître paradoxal.. Oui, mais il l’a fait et cela est trop souvent occulté. Rendons lui cela.
Quid de Richard Wagner ?
Il fut le père spirituel dont Louis rêvait. L’écoute de Lohengrin à 16 ans fut le déclic : voila le monde qu’il veut. Louis II va demander à le rencontrer : Le roi a donc 18 ans ; Wagner, 51 ans.Voila Wagner a l’abri du besoin : Ses nombreuses dettes sont épongées, il sera logé ( une maison sur le lac de Starnberg), obtiendra une rente à vie. Wagner lui cacha sa liaison avec Cosima von Bülow, fille de Frantz Liszt et sa future femme. Leur amitié cessa en 1865.
Wagner, lucide, disait « Je dois tout au roi, sans lui, je ne serais rien».
Il est admis que sans Louis, Wagner n’aurait pas été Wagner : point de Tristan et Isolde, de Parsifal.. Il n’y aurait pas Bayreuth.
Les amours de louis II de Bavière
Il resta fiancé 10 mois, avec sa cousine Sophie-Charlotte -sœur de la belle Sissi – qui partageait alors son admiration pour Wagner qui lui manquait terriblement. Louis aurait souhaité partager une belle amitié fraternelle avec celle qu’il appelait Elsa (nom de l’héroïne de Lohengrin) ; mais c’était sans compter avec la famille qui les enjoignit de régulariser. N’ayant rien de commun, la belle entretenant une liaison avec Edgard Hanfstaengl, photographe à la cour. Ils rompirent en octobre 1867. Louis II en concevra du chagrin, en tout cas de l’amertume ; il aurait dit à un serviteur : « Ne te marie pas ! les femmes sont toutes fausses et traîtresses » . Sophie deviendra Duchesse d’Alençon, elle mourut héroïquement dans l’incendie du bazar de la Charité à Paris en 1897.
Et l’impériale Sissi ? L’Aigle et la Mouette ? En a -t-il été secrètement amoureux ?
La mort de Louis II : le crépuscule des dieux
Dès 1885, les banques étrangères le menacent de saisie. Il ne réagit pas à leurs injonctions ce qui fut une raison de sa mise sous tutelle et de sa destitution, en juin 1886.
Il fut interné – emprisonné ?- au château de Berg, le 12 juin. Il fut retrouvé mort, le lendemain, dans le lac de Starnberg avec Johann Bernhard Aloys von Gudden, son psychiatre, celui-là même qui avait rédigé sa mise sous tutelle. Depuis, le mystère de sa mort persiste.
Louis II se résume ainsi lui-même : « Je veux demeurer un mystère pour les autres comme pour moi-même ».
Sources : « Un roi wagnérien. Louis II de Bavière» de Jacques Bainville
* Souvenir, souvenir.. je suis allée voir ce film il y a tuitant années, avec MCL, au non moins célèbre cinéma « les oiseaux » de Bar le Duc..