Je viens de commander Comme par magie du même auteur et me rends compte que je n’ai pas écrit de chronique sur ce livre étonnant « L’empreinte de toute chose « . J’ai adoré et relu plusieurs fois Mange, Prie, Aime de Elizabeth Gilbert ( j’ai beaucoup moins aimé le film, la faute n’en revient pas à Julia Roberts mais je trouve que le fond du livre ne transparaît pas). Ce n’était pas l’écriture, ni le style qui avaient retenu mon attention. Ainsi, j’hésitais à lire autre chose que son expérience existentielle si on peut la nommer ainsi. Lisant un commentaire élogieux chez L’ivre de lire, j’ai décidé de me lancer dans la lecture de ce pavé de 615 pages : L’empreinte de toute chose, en mai.
Synopsis de » L’empreinte de toute chose »
L’histoire commence en Angleterre dans les années 1760, l’Europe est prise de passion pour la botanique. Henry Whittaker, un pauvre gamin des faubourgs londoniens vit et travaille près de la splendeur horticole de Kew Gardens ( Ces jardins existent aujourd’hui : ici ). Pris alors qu’il a volé des arbres de Kew, le jeune Henry a le toupet de demander à être épargné. Arguant qu’il sait beaucoup de chose sur les plantes et pourrait être utile, il se retrouve embarqué sur une des expéditions du capitaine Cook…
Nous évoluons au XIXème siècle. Alma Whittaker naît en 1800, la première née d’une famille la plus riche et la moins conformiste de Philadelphie, dans le domaine de White Acre. Son père, le jeune Henry Wittaker devenu adulte – , redoutablement intelligent, a beaucoup appris, il jouit d’un énorme talent de botaniste. Ceci ajouté à sa roublardise, il a fait fortune dans le commerce du quinquina, un remède contre le paludisme. Sa mère Beatrix van Devender a reçu dans sa famille de l’Hortus Botanicus d’Amsterdam une formidable érudition ainsi qu’une rigueur toute protestante. Alma va recevoir une éducation peu conventionnelle pour son époque.
Extrait : Les dîners à White Acre n’étaient pas le domaine des ragots, mais d’exercice de stimulation intellectuelle et commerciale. S’il y avait quelque part dans le monde un audacieux jeune homme qui accomplissait quelque exploit, Henry voulait qu’on le fasse venir à sa table. S’il y avait un vénérable philosophe qui passait par Philadelphie ou bien un homme de science considéré, un nouvel inventeur prometteur, ces hommes étaient aussi invités. Des femmes venaient parfois à ces dîners aussi, si elles étaient les épouses de penseurs respectés, les traductrices d’importants livres ou d’intéressantes actrices en tournée en Amérique. […] Les convives devaient s’attendre à être interrogés, défiés, provoqués. Ceux qui étaient connus comme des adversaires étaient placés côte à côte. Les croyances les plus précieuses étaient mises en pièce dans des conversations qui étaient plus sportives que courtoises. Certains notables quittaient White Acre avec l’impression d’avoir subi les pires indignités. […] Alma avait été accueillie à cette table de joutes dès ses quatre ans, et elle était souvent assise près de son père.
À leurs côtés et au contact d’ éminents chercheurs qui sont reçus chez eux, Alma acquiert grâce à sa grande intelligence et son avidité à apprendre, une somme extraordinaire de connaissances dans tous les domaines et la passion de la botanique. Alma aspire à l’amitié, à l’amour aussi . Le trouvera-t-elle ? Elle va explorer ce monde, la nature, la société dans laquelle elle vit et son propre corps – de l’infiniment grand à l’infiniment petit.
Elle se passionne pour les mousses, la bryologie pour les non initiés et publie plusieurs articles scientifiques sur le sujet, pas un mince exploit pour une femme de ce siècle.
Alma cherche à percer les secrets du monde qui l’entoure à la lumière de sa logique scientifique, ce qui la poussera à partir à son tour à la découverte du vaste monde.
Elisabeth Gilbert est une formidable conteuse : Des bas-fonds de Londres en passant par Philadelphie, Tahiti ou le Pérou, elle nous raconte ce siècle d’où va jaillir l’esprit des Lumières. Sa plume est vive, audacieuse, savante et teintée de romantisme, comme son héroïne.
Ce roman est aussi un « herbier » de personnages bien trempés : Alma, sa mère Beatrix à la froide générosité, Henry l’exalté, l’ambitieux sans limite, autoritaire, la gouvernante Hanneke de Groot, sorte de mère-la-rigueur au cœur tendre, George Hawkes l’énigmatique éditeur, sa si jolie sœur Prudence à la froideur frigorifiante, l’ésotérique et doux rêveur Ambrose illustrateur de génie, Retta la frivole, le révérend Francis Welles sage et énigmatique..
J’aime les liens qui me montrent que je suis au bon endroit. J’aime l’histoire. Elizabeth nous lie avec Darwin, Alfred Russel Wallace.. Alors que Henry et Alma Whittaker sont des inventions, Banks est un personnage historique qui a accompagné Cook dans son premier voyage et nous a donné d’eucalyptus, d’acacia et Banksia. Et juste après avoir lu ce livre, au British Muséum de Londres, je me retrouve face à lui. L’aurais-je remarqué sans ce roman ?
Joseph Banks, né le à Londres et mort le à Londres, est un naturaliste britannique, passionné de botanique, qui participa au premier voyage de James Cook autour du monde (1768-1771).C’est lui qui introduisit en Europe l’eucalyptus et le mimosa. Il fut le premier à ramener des spécimens de Kangourous. Kew, Richmond, Surrey
Elizabeth Gilbert a beaucoup étudié, s’est énormément documenté pour écrire ce livre. En fait, l’histoire a commencé comme souvent de manière imprévue : elle est tombée sur une édition 1784 des voyages du capitaine Cook qui avait appartenu à son grand-père, un magnifique et remarquable ouvrage qui avait été dans sa famille depuis toujours et que les enfants n’avaient pas le droit de toucher lorsque nous étions enfants. Elle a commencé à le lire et a découvert le naturaliste et explorateur Joseph Banks parcourant la planète à la découverte de nouveaux spécimens. A sa grande joie, elle a aussi découvert que la botanique était à peu près la seule science où les femmes ont été quelque peu participantes, au cours du 19ème siècle. Dès cet instant, elle a su qu’elle devait écrire sur ce sujet.
Elle a lu le Dr Robin Wall Kimmerer, bryologue contemporaine – elle est née en 1953- et écrivain, auteur de Gathering Moss sur la vie et l’histoire des mousses qui est devenu une sorte bible pour Elizabeth. L’ « empreinte de toutes choses» était une théorie scientifique et mystique tout à fait fascinante, peut-être folle et mystique soutenue par Jacob Boehme, théosophe allemand, cordonnier de son état, dans les années 1600. Il soutint que Dieu avait tant aimé les hommes qu’il avait caché dans la conception de chaque plante sur Terre un code secret à l’usage de cette plante. Par exemple, il note que les noix sont très bonnes contre les maux de tête et les noix sont en forme de cerveau humain. Qu’en dites-vous ?
Le personnage d’Alma Whittaker n’est pas modélisé sur une seule personne. L’auteur s’est inspirée sur des aspects de plusieurs vies : Elizabeth Gertrude Chevalier Britton -1858-1934- une grande dame de la mousse victorienne, Mme Mary Treat, vers qui Darwin s’est tourné pour comprendre les plantes carnivores, Marianne North, naturaliste et illustratrice botanique anglaise dont une galerie entière lui dédiée à Kew Gardens, Elizabeth Cary Agassiz, naturaliste et philosophe américaine.épouse de Louis Agassiz, l’un des premiers présidents de Radcliffe College.
N’oubliez pas de glisser sur les photographies pour les connaître
Ce que j’ai aimé : l’écriture est très agréable – merci aussi à la traducteur Pascal Loubet-, le style est fluide, très imagé. J’ai adoré voyager en compagnie d’explorateurs, de marchands, de visiter des lieux si exotiques enchanteurs, de rencontrer les femmes de Tahiti. Les personnages ont des psychologies très riches, les descriptions des caractères sont fines. J’ai ri, pleuré, déprimé avec Alma, une héroïne si attachante. Fut-elle heureuse ? Une bonne question, à vrai dire. J’ai appris des milliers de choses sur la botanique, sur le XIXéme siècle, les sciences, sur le commerce des remèdes médicinaux, sur la force des liens d’amitié, les liens familiaux, la force de croire en sa destinée. Madame Gilbert m’a lié et pas que le temps de lecture de ce roman, aux destins de ses personnages, tout en me faisant réfléchir car elle a glissé au fil des pages, des messages spirituels.
Bref, ce roman enrichissant est superbement écrit. Pas d’hésitation, tournez la première page de L’empreinte de toute chose, vous ne lâcherez pas ce roman avant la 615ème page. Cela m’évoque aussi John Francis Rock, explorateur, surtout botaniste et journaliste du célèbre magazine « National Geographic ».
Je ne peux résister à vous offrir quelques illustrations de Marianne North.. absolument divines
Photographies : PLK
Très très bon, Comme par magie, je l’ai fini il y a peu et Elizabeth Gilbert y évoque justement comment l’idée de L’empreinte de toute chose lui est venue (de façon moins détaillée que dans cet article, mais cela donne tout de même envie de le lire !).
Je valide à 100% sur l’adaptation cinématographique de Mange, prie, aime… C’était très dispensable !
Bonjour Camille, j’ai eu aussi beaucoup de plaisir à faire mes mini-recherches » sur le travail de Liz Gilbert afin de comprendre le cheminement. j’ai vraiment beaucoup aimé ce livre. As tu acheté le dernier livre de Liz : Comme par magie ? je viens de le recevoir, c’est plus un livre de la veine de mange,prie,aime. A suivre 😉 Beau mercredi Camille