J’aime la belle vaisselle… Les Japonais en ont une approche séduisante qui m’inspire beaucoup.
Chaque japonais a son propre set de vaisselle, aussi personnel que sa brosse à dent : son bol à riz, son bol de soupe, sa tasse à thé, ses baguettes… Ce set est adapté à la personne en fonction de ses limites stomacales : le bol d’une aieule est plus petit de celui d’une jeune fille de vingt ans, leurs besoins étant différents.
La vaisselle japonaise extrêmement variée dans ses styles et ses couleurs.
Les matériaux sont aussi adaptés aux produits qu’il doit contenir et aux saisons. Les formes, les tailles, les profondeurs sont spécifiques : une assiette longue et étroite pour un joli poisson grillé – qui sera présenté tête vers la gauche, ventre vers le convive – , un ravier creux pour un plat mijoté dans une sauce soja, un autre minuscule pour trois bouchées de légumes, un bol Donburi pour les nouilles soba, en hiver et une petite coupe shoba choko pour tremper les nouilles Soba froides .
L’intention est de faire opposition entre contenu-contenant afin de mettre chacun en valeur : un plat rond pour un met de forme rectangulaire, un plat à motifs et aux couleurs vives pour réhausser la couleur fade d’un tofu.
Durant les saisons froides, la vaisselle étant destinée à contenir des mets chauds, des soupes épaisses, est en céramique, grès, en bois ou bambou ou en bois laqués aux tons chauds – en automne le rouge et le marron qui rappelle les feuilles d’érable et pour l’hiver, le blanc et les couleurs sombres, le rouge et le noir est réservé pour les cérémonies. Ces ustensils de table des grands jours en bois laqué ne visiteront pas le lave -vaisselle. Lestés de l’histoire de la famille, ils se transmettent de génération en génération.
Au Japon, la laque aurait une tradition de plus de 6 000 ans, puisque des peignes en laques auraient été retrouvés sur des sites néolitiques japonais et datés à environ 4 500 avant JC. L » urushi « , liquide épais comme du miel, est la résine d’un arbre – Toxicodendron vernicifluum ou succedaneum plus simplement nommés arbre Urushi ou arbre à laque. Celui-ci pousse largement en Asie du Sud- Est. Il s’obtient comme le latex de l’hévéa, par saignée sur l’écorce du tronc, méthode « Koroshigaki ». Un arbre à laque adulte de plus de dix ans ne permet de récolter que 150g de sève. Cette résine est d’abord mise au repos pendant trois à cinq ans, avant d’être traitée pour fabriquer la laque proprement dite.
Différents types de traitements permettent l’obtention de différents types de laque, celle-ci étant généralement appliquée en plusieurs couches très fines sur un corps en bois, avant d’être durcie dans un environnement très chaud et très humide. La laque est utilisée dans la fabrication d’une grande variété d’objets et d’ornement : des bols et des assiettes, des boites de repas, des baguettes, des plateaux..
La fabrication de la laque est longue et fastidieuse, et requiert savoir-faire et patience ce qui explique que les objets en laque soient si dispendieux. La laque des bols de soupe est malheureusement trop souvent remplacée par des vernis laque nitrocellulosiques, glycérophtaliques ou polyréthènes plus performants ou par du plastique ! Vous concluerez de facto, que je n’affectionne pas ce genre de matériaux…
Dès les beaux jours, à nous les belles porcelaines, les pâtes de verre qui apportent fraicheur et transparence pour de délicieuses salades, des gelées, des légumes fraichement cueillis ou autres poissons délicats, décorées de raffinés motifs de saules, de vagues dans les tons le rose et les motifs floraux, au printemps, bleu et vert en été.
Nos us et coutumes veulent que nous achètons des services complets, la vaisselle nippone, elle, est généralement dépareillée. Chaque élément contribue à un tout – à la manière des jardins japonais -et contribue à une singulière harmonie. La table japonaise n’a pas l’uniformité de la table française où chaque assiette est identique à l’assiette du voisin. La dissymétrie et l’unicité de la forme de la vaisselle utilisée ne sont pas inconvenantes car tout est lié avec cohérence.
Au Japon, un repas est plus que le simple acte de se nourrir : c’est un rite familial qu’il importe d’observer dans les plus infimes détails afin de se sentir en accord avec soi-même, ses Ancêtres et la Nature.
La Cérémonie du thé qui remonte au 13ème siècle, le boeuf de Kobé massé quotidiennement à la bière – nous l’avons dégusté avec une bien jolie cérémonie de présentation lors d’un séjour à Kobé – , l’art du sushi et du sashimi, les secrets des algues de l’île d’Okinawa qui abrite le plus de centenaires au monde…
Manger, pour les japonais, n’est pas une nécessité mais un art où la tradition, la religion, l’histoire sont aussi importants que le mets lui-même. C’est toute la poésie du Japon qui s’exprime dans ses préparations culinaires..
Iconographies: Famous Bizen ceramic tea set. A JAPANESE IMARI BOWL AND COVER EARLY 19TH CENTURY Painted in typical underglaze blue, iron-red and gilt enamels 12¾ in. (32.7 cm.) high
Source: » L’art de la frugalité et de la volupté » de Dominique Loreau –La maison du Japon – Japonicus– Association Franco-japonaise Nancy Lorraine dont nous sommes membres.
Pour en savoir + sur les laques japonaises