Les enfants ne croient plus au Père Noël, vers l’âge de 7 ans
La révélation de cette vérité peut être parfois désagréable.
Nous avons tous fait l’expérience, douloureuse parfois, de la perte de cette illusion de croire en l’existence de ce personnage bedonnant et bienfaisant, en rouge et blanc, conduisant un traineau tiré par des rennes volants et distribuant par milliers des cadeaux à tous les enfants de la planète !
Cet abandon correspond à la fin de la petite enfance avec la mutation de notre système de croyance de la vision du monde. Nous devons alors laisser derrière nous un univers magique et enchanté, terrifiant parfois.. Certes, Baba Yaga disparait mais les lutins et les fées qui réalisaient nos voeux aussi..
Ces mythes – la petite souris et autres ..- sont souvent perçus par les adultes comme sans importance et ils considèrent leur disparition comme une étape nécessaire vers la rationalisation. C’est sous-estimer la délicatesse de cette étape dans la construction de soi-même car il s’agit aussi de la perte d’un lien que l’enfant entretenait avec un entourage qui lui a menti. D’autre part, c’est aussi méjuger les capacités logiques de l’enfant car c’est en petit être rationnel qu’il a adhéré à ces mythes et qu’il va aussi s’en défaire.
Pourquoi croire au Père Noël ou autres mythes ?
Gérald Bronner, Professeur à l’université de Strasbourg a mené 142 entretiens avec des enfants afin de comprendre cette étape dans la mutation de visions du monde.
L’enfant souscrit à un mythe aussi fantasmagorique soit-il, parce qu’il lui vient de ses parents et qu’ils sont ses dieux archaïques. Les enfants s’appuyent sur ces sources d’informations pour construire leurs représentations du monde. Il est d’autant plus vulnérable que les autres membres de la famille, les professeurs des écoles, leurs camarades semblent croire aussi à ces mythes. Cette croyance est également basée sur les preuves : les lettres envoyées qui recoivent une réponse, la carotte et le verre de lait qui ont disparus, les jouets désirés sous le sapin ou dans la cheminée.. Toutes ces mises-en-scènes donnent de la consistance à la légende.
Voir le père Noël est un élèment à double tranchant car c’est souvent à cause de cela que l’enfant va entrevoir des incongruités qui vont affaiblir la croyance : reconnaitre le pantalon de son papa ou ses chaussures chez ce père Noël, l’élastique qui retient sa barbe, la disparition d’un membre de la famille avant son arrivée, son absence à la distribution des cadeaux.. La dissonance est accentuée par des parents maladroits pris en flagrants délits au moment où ils déposent les présents, la découverte des cadeaux, pourtant bien cachés dans l’armoire, avant le soir de Noël.
Certains enfants sont frappés par l’incohérence de la situation : des rennes volants, le Père Noël passant par la cheminée avec son abdomen volumineux – quid de ceux qui n’en ont pas ? – la distribution de cadeaux en une nuit pour tous les enfants de la Terre, sa hotte et son traineau qui ne peuvent contenir tous les jouets.. L’enfant devient un véritable petit Sherlock afin de percer le mythe à jour : faire le guet, placer quelque chose dans la cheminée ..
L’abandon de la croyance au Père Noël provoque une crise dans 50% des cas : elle va de la simple déception à la remise en question et à l’éveil de soupçons envers le monde des adultes qui lui mentent .. La rupture soudaine est crisogène chez 59% des enfants alors que l’abandon progressif ne l’est que chez 27%, l’enfant ayant le temps de préparer son système cognitif à affronter la vérité et à en réduire le contenu émotionnel.
Abandonner sa croyance au Père Noël ou autres
Comment s’y prendre pour que ces ruptures se produisent en douceur ?
– L’assurance de recevoir encore des cadeaux même s’il n’y croit plus, sert de compensation au désaroi cognitif.
– Valoriser ce qui est considéré comme une entrée dans le monde des grands : l’enfant ressent que c’est une sorte de rite initiatique d’où il en tire le prestige de sortir du monde des petits. Mis dans la confidence, il participera à l’entretien de cette tradition auprès des plus jeunes, deviendra acteur de cette petite comédie annuelle et aura le sentiment de partager quelque chose avec le monde des adultes. L’enfant ne doit pas avoir le sentiment d’avoir été trahi, mésestimé, dévalorisé. Dès qu’il semble avoir des doutes, il est sage de cesser de mentir. Lorsque le fruit est mûr rien n’empêche d’aider à sa cueillette ..
En profiter pour intégrer ce folklore à l’histoire familiale en expliquant ce qu’il a de magique et vertueux et que «c’est un mythe de générosité, pas un mensonge » disait F. Dolto.
Pourquoi faire croire aux enfants que le Père Noël existe, si c’est pour les exposer à une déception future ?
Parce qu’il est beau de croire purement et simplement au merveilleux.. C’est déja une belle raison. Il symbolise la générosité et joue un rôle important dans la construction de l’enfant : il lui permet d’acquérir et de développer l’esprit du don.
De plus, il semblerait que les enfants qui n’ont pas crû au Père Noël soit plus enclins au pessimisme et moins aptes à affronter les difficultés qui les attendent dans la vie.