Claude Hamos et Dolto
Je suis ravie et rassurée que Claude Halmos fasse une belle mise au point dans le dernier numéro de Psychologie magazine (1) – ce n’est pas la première – face au livre de Didier Pleux, auteur de « Françoise Dolto, la déraison pure », avec compétence et passion. Claude Halmos est psychanalyste, spécialiste de l’enfance, formée par Jacques Lacan et Françoise Dolto qui fut sa «contrôleuse» à ses débuts d’analyste. Elle a créé un « Courrier des enfants » dans le mensuel « Psychologies Magazine », et ses réponses résonnent positivement en moi. Dans cet encart, elle s’élève contre l’injustice, un très mauvais procès qui est fait à Dolto. J’opine.
Françoise Dolto incomprise
Ce n’est hélas pas la première attaque de D.Preux envers les théories de Dolto mais cette fois, il pousse le bouchon plus loin en attaquant la personne ! Comme s’il n’y avait pas mieux à faire ! Avoir des théories différentes, voire opposées est respectable, salir une personne est blâmable. En fait, ces débatteurs ne l’ont pas lue, ne l’ont pas comprise, ou pire détournent son message à leurs avantages pour justifier leurs idées ou plus vil, veulent profiter de la polémique pour se faire un nom. A bien les lire, on s’aperçoit que ce sont surtout les excès d’une médiatisation mal comprise qu’ils pointent.(2) L’ouvrage est écrit avec Michel Onfray, philosophe que je n’apprécie pas . (3)
Dans ce livre, D. Pleux affirme que « Laisser faire l’enfant : tel était l’unique mot d’ordre de Françoise Dolto» et évoque le «déni» de son enfance heureuse, le «déni» de l’éducation quand elle est mère, le «déni» de son engagement sous Vichy et le «déni» de toute réalité dans les pathologies… Rien que cela : Dolto serait folle et collabo ! Je vous conseille de lire le texte de Madame Halmos pour laver ce grave discrédit. Je veux juste revenir sur les erreurs de compréhension de la théories de Dolto que ce livre propagent..
Le message de Françoise Dolto est d’une extrême complexité et c’est pour cela qu’il a été largement incompris. Les enfants ne sont ni des mini-adultes, ni des bébés débiles. Une autre des idées centrales de Dolto, est de faire en sorte qu’une personne devienne acteur de sa propre vie et j’aime cette idée.
Certains ont la volonté de faire croire qu’elle avait promu des « Enfants-Rois ». Quelle grossière erreur ! L’enfant que promeut Françoise Dolto n’est ni Roi, ni tyran. Elle rappela sans cesse aux parents le devoir qu’ils ont de lui apprendre à se soumettre aux lois du monde, le devoir qu’ils ont de l’éduquer. Car pour elle, lui donner des droits, en cessant de tout lui permettre au motif qu’il serait encore « petit », c’est lui donner le droit d’avoir les mêmes devoirs que les autres. Vérité qu’il serait utile de méditer…
Françoise Dolto et l’autorité
Son livre « L’image inconsciente du corps », montre qu’elle préconise de mettre des limites à tous les stades du développement de l’enfant. Les aimer ne suffit pas, ils ont un besoin vital de limites et de règles. Elle prône une autorité qui s’adresse à un enfant qui est une personne respectable. L’enfant est dans le principe du plaisir, dans un sentiment de toute-puissance, il est le roi du monde : ce qui n’est pas compatible avec une vie en société. Il est nécessaire de lui apprendre les règles du « vivre ensemble » et le pourquoi de ces règles et ce qu’il adviendra alors (en s’y tenant). Ces règles doivent être respectées ce qui implique qu’en cas de transgression, elles lui seront réexpliquées une, voire deux fois, puis la sanction tombera. Ce n’est en rien une violence, l’adulte n’abuse pas de son autorité. On explique ET on impose. J’entendais l’autre jour un papa- universitaire de haut rang- dire à sa fille qui taquinait son jeune frère en lui tapotant la tête à chaque fois qu’elle passait derrière lui : « Ne touche pas la tête de ton frère ». Sans expliquer, l’enfant peut comprendre que l’interdit vient de ce que leur père aime plus son petit frère qu’elle. Une explication simple – nul besoin de discourir- du pourquoi, lui signifie que les humains ont besoin de respect. C’est ça qui structure l’enfant peu à peu.
Françoise Dolto ne culpabilise pas les mères
Didier Pleux écrit que Dolto culpabilisait les mères et était toujours du côté des enfants ! Non, elle a appris à écouter l’enfant mais aussi les parents.
Les parents d’aujourd’hui ont un problème de bonne place avec leurs enfants. Je le constate très fréquemment avec les adolescents qui me sont confiés. Le niveau n’est pas le même : elle a donné aux parents un devoir d’éducation. Les enfants ne sont pas des êtres à dresser mais à apprendre à vivre, en les respectant. Dolto oppose l’autorité parentale à la toute-puissance parentale. Elle invite les parents à ne pas faire de l’enfant l’être central de la famille.
Françoise Dolto contre le mensonge familial, même par omission
On raconte aussi que Dolto demandait de tout dire aux enfants ! Non.
Elle n’a pas dit qu’il fallait tout dire aux enfants, mais « tout ce qui les concerne ». Si son oncle décède, ne pas lui dire qu’il est parti en voyage, mais lui dire la vérité. Elle a surtout innové l’écoute de l’enfant petit et du « nourrisson comme une personne » à qui l’on parle. Elle disait : « Le bébé comprend tout, mais nous ne savons pas comment il comprend. »
Anne Ancelin-Schützenberger fut aussi en analyse avec Dolto. Elle raconte qu’elle lui avait demandé de lui parler de ses grand-mères. Elle lui répondit qu’elle ne s’en souvenait plus ; Dolto lui retoqua : « Vous devez savoir quelque chose, car les enfants et les chiens savent tout ce qui se passe dans une famille ».
Françoise Dolto pour l’éducation
J’ai parfois certaines affinités avec la pensée d’Aldo Naouri. Mais lorsqu’il conseille d’arracher les biberons et les tétines à 2 ans sans explication, je n’adhère pas. Agir ainsi crée un traumatisme. La relation est alors dans le rapport de force, nous effectuons un dressage. Il est évident que l’enfant doit les abandonner, que cela engendrera aussi une frustration mais momentanée qui ouvrira une porte à d’autres plaisirs à manger à la cuillère. Expliquer à l’enfant, ne pas le soumettre. Elle a apporté la fin du dressage pour aller vers l’éducation.
L’héritage de Françoise Dolto
Dolto, au début des années 1940, fonda en France la psychanalyse d’enfants. Elle développa une théorie – en grande partie méconnue – et se révéla un génie de l’écoute clinique. Elle avait réussi à devenir une grande personne tout en restant une enfant. Elle savait écouter comme personne. On parle d’elle comme d’une devineresse. Elle ne les écoutait pas en « grande personne », de loin et de haut, elle les écoutait « à hauteur d’enfant »(4)
Françoise Dolto a été un formidable passeur de la parole des enfants, elle n’a jamais prôné une éducation laxiste. Elle a travaillé sur ses propres intuitions : elle avait repris le principe du dessin d’enfant, mais y avait ajouté celui du modelage, elle a inventé la « poupée-fleur » (5), le paiement symbolique (6). Elle a créé « la maison verte » (7).
Françoise Dolto n’a jamais voulu faire école, elle proclamait haut et fort qu’elle n’avait pas d’élèves. Elle comprendrait ces polémiques et n’en prendrait surement pas ombrage : Elle avait dit un jour : «Les hommes, je pense qu’ils sont comme les Trois Mousquetaires : il faut que ça ferraille.».
Je vous invite à la relire. Comment ? Au hasard qui permet les rencontres. Ouvrons ses livres… Lisons quelques lignes… quelques autres. Et attendons qu’elles nous parlent, en faisant résonner une part de nous-mêmes que nous ne connaissions peut-être pas.
Sources : « Lorsque Dolto parait » conférence de Pascale Hassoun (1) sommaire de psychologie magazine de novembre 2013 (2) PaulH, article du Hors série de Télérama 19 novembre 2008 consacré à F.Dolto pour célébrer son centenaire (3) Claude Halmos (3) Onfray tient le désaccord pour une offense! Raphael Enthoven lire » (4) Claude Halmos (5) elle la conçoit en 1946, au cours d’une consultation où sont venues à sa rencontre Bernadette, une petite fille anorexique de 5 ans et demi, et sa mère (6) De même que l’adulte paye sa consultation, elle demandait un paiement à l’enfant : un timbre, un caillou, un dessin. Non pas au nom de la pédagogie, mais pour le renvoyer à son désir réel de venir. Là encore, Dolto poussait à l’extrême la position de sujet de l’enfant : il avait des droits, mais aussi des devoirs. (7) « Un lieu de rencontre et de loisirs pour les tout-petits avec leurs parents. Pour une vie sociale dès la naissance, pour les parents, parfois très isolés devant les difficultés quotidiennes qu’ils rencontrent avec leurs enfants. Ni une crèche ni une halte-garderie, ni un centre de soins, mais une maison où mères et pères, grands-parents, nourrices, promeneuses sont accueillis… et leurs petits y rencontrent des amis. » Françoise Dolto
Photographies: Dolto et Lacan- La poupée-fleur
Très salutaire mise au point… Merci pour cet article.
Bonjour Violette, je vous remercie pour votre commentaire encourageant. Belle journée. PLK
Bonjour,
Auriez-vous confié votre enfant à une lacanienne ?
http://en-quete-de-declics.fr/index.php?declic=quete&autisme=Dolto
Bien cordialement,
Une personne Autiste.
Le baiser sur la bouche est une coutume anglosaxonne qui montre de la tendresse et de l’amitié, entre parents et petits enfants et aussi entre amis très proches, ce n’est pas un geste universel mais cela n’a pas la valeur sexualisée qu’on lui accorderait en France.
Bonjour Christine, oui vous avez raison, la coutume anglo-saxonne n’est pas sexualisée. Merci pour cette précision.