Voila un livre lu l’estomac noué.. Je ne connaissais pas l’histoire de Pauline Dubuisson, étudiante en médecine, tuant le 17 Mars 1951 son ex-fiancé Félix Bailly. Accident ? Crime passionnel ?
«ℰ𝓁𝓁𝑒 𝑒𝓈𝓉 𝒿𝑒𝓉é𝑒 𝑒𝓃 𝓅𝓇𝒾𝓈𝑜𝓃 𝒶𝓊 𝓁𝒾𝑒𝓊 𝒹’𝑜𝒷𝓉𝑒𝓃𝒾𝓇 𝓈𝑜𝓃 𝒹𝒾𝓅𝓁ô𝓂𝑒 𝒹𝑒 𝓂é𝒹𝑒𝒸𝒾𝓃. ℰ𝓁𝓁𝑒 𝓅𝒶𝓈𝓈𝑒 𝓉𝓇𝑜𝒾𝓈 𝒶𝓃𝓈 𝓅𝓁𝓊𝓈 𝓉𝒶𝓇𝒹, 𝑒𝓃1953, 𝒹𝑒𝓋𝒶𝓃𝓉 𝓁𝑒𝓈 𝒜𝓈𝓈𝒾𝓈𝑒𝓈 𝒹𝑒 𝒫𝒶𝓇𝒾𝓈. 𝒫𝒶𝓊𝓁𝒾𝓃𝑒 𝒹𝑒𝓋𝒾𝑒𝓃𝓉 𝓁𝒶 𝓈𝑒𝓊𝓁𝑒 𝒻𝑒𝓂𝓂𝑒 𝒸𝑜𝓃𝓉𝓇𝑒 𝓁𝒶𝓆𝓊𝑒𝓁𝓁𝑒 𝓁𝑒 ℳ𝒾𝓃𝒾𝓈𝓉è𝓇𝑒 𝓅𝓊𝒷𝓁𝒾𝒸, 𝒸’𝑒𝓈𝓉-à-𝒹𝒾𝓇𝑒 𝓁𝒶 𝓈𝑜𝒸𝒾é𝓉é 𝒻𝓇𝒶𝓃ç𝒶𝒾𝓈𝑒, 𝓇𝑒𝓆𝓊𝒾𝑒𝓇𝓉 𝓁𝒶 𝓅𝑒𝒾𝓃𝑒 𝒹𝑒 𝓂𝑜𝓇𝓉 𝓅𝑜𝓊𝓇 𝓊𝓃 𝒸𝓇𝒾𝓂𝑒 𝓅𝒶𝓈𝓈𝒾𝑜𝓃𝓃𝑒𝓁 𝓈𝒶𝓃𝓈 𝓆𝓊𝑒 𝒸𝑒𝓁𝒶 𝓃’é𝓂𝑒𝓊𝓋𝑒 𝓅𝑒𝓇𝓈𝑜𝓃𝓃𝑒 à 𝓁’é𝓅𝑜𝓆𝓊𝑒, 𝓅𝒶𝓈 𝓂ê𝓂𝑒 𝒮𝒾𝓂𝑜𝓃𝑒 𝒹𝑒 ℬ𝑒𝒶𝓊𝓋𝑜𝒾𝓇, 𝓆𝓊𝒾 𝓅𝑜𝓊𝓇𝓉𝒶𝓃𝓉 𝒶𝓊𝓇𝒶𝒾𝓉 𝓉𝓇𝑜𝓊𝓋é 𝓊𝓃 𝒷𝑒𝓁 𝑒𝓍𝑒𝓂𝓅𝓁𝑒 𝒹𝑒 𝓋𝒾𝑒 𝒹𝑒 𝒻𝑒𝓂𝓂𝑒 𝓈𝒶𝒸𝒸𝒶𝑔é𝑒 𝓅𝒶𝓇 𝓁𝑒𝓈 𝒽𝑜𝓂𝓂𝑒𝓈. » (Avant-propos, p. 11)
Jean-Luc Seigle a fait du sombre fait divers un fascinant récit à la première personne et s’est glissé remarquablement dans la peau de Pauline/Andrée. On se demande pourquoi la vie s’est autant acharnée sur cette jeune fille..
En 1961, «La vérité» de Georges-Henri Clouzot – BB est Pauline- inspiré de ce fait divers la remet sur le devant de l’actualité. Elle est poussée à l’exil au Maroc à Essaouira (alors Mogador)
Elle a tué et à ce titre, elle est condamnable et condamnée (elle fut incarcérée 9 ans).En prison, elle s’évadera par la lecture.
Lorsque je fus Juré d’Assisses, la magistrate lors des délibérations, nous répétait : ce sont des explications mais pas des excuses. A remonter le fil de la courte vie de Pauline, des explications émergent.
Elle raconte son histoire qu’elle n’a pas raconté au procès tant elle désirait mourir.
Les mots de Pauline sont beaux, tristes, émouvants, poétiques. Aurait-elle du cacher son passé à Félix et Jean ?
Elle fut retrouvée morte, chez elle, par ses voisines inquiètes parce que le Requiem de Mozart n’en finissait pas de recommencer…
Il est aussi question du machiste de l’époque, de l’horreur de la guerre et de ses conséquences, de la mentalité française d’après-guerre, de la presse, des rapports familiaux, la vindicte populaire, d’épurateurs sanguinaires…
J’ai ressenti tellement d’empathie et de la compassion pour Pauline qui aurait été solaire si les évènements, ses choix ne l’avaient pas broyée, cassée, détruite, fracassée…où les pères-et-mères-la-vertu se sont comportés comme des ignobles censeurs sans regarder dans leur propre direction. Et ces épurateurs comment se sont-ils sentis après toutes ces horreurs commises ?
Avait-t-elle droit au pardon ? à une vie normale ? Est-ce qu’aujourd’hui, elle aurait été mieux comprise ?
« Qui donc avait brossé de la coupable un si hideux portrait ? Je me suis demandé, je me demande encore si ce ne fut pas nous. Nous : les journalistes». Dans un ouvrage, Au grand jour des Assises, publié en 1955, Pierre Scize fait cet aveu en forme de mea culpa. Le dernier jour du procès, l’avocat général n’hésite pas à la qualifier de «hyène».
Je vous encourage à lire ce livre très dur, remarquablement écrit qui a reçu le Grand Prix des lectrices de Elle en 2015.
Je vous écris dans le noir de Jean-Luc Seigle
230p – 2015 – Flammarion
Mon livre préféré de l’auteur. Ses autres romans paraissent bien fade en comparaison.
Ah ! Isabelle Duquesnoy, en commentaire de cette chronique sur Instagram, m’a conseillé de lire »En vieillissant les hommes pleurent »… Qu’en dis tu ?