L’art d’aimer est le plus difficile qui soit

Si vous visitez votre librairie à la recherche d’un cadeau pour votre Valentin, même si la fête des amoureux, c’est tous les jours – parmi le « 1001 secrets érotiques à susurrer à l’oreille de votre amoureux(se)», les nouvelles éditions illustrées du Kama Sutra,« Les plus beaux poèmes d’amour » de André Giovanni (1) ou si vous désirez puiser les recettes d’un inaltérable amour auprès de Ronsard, Hugo, Musset, Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Eluard ou Aragon, vous allez probablement trouver Erich Fromm et son philosophique L’art d’aimer datant déjà de 1956.

L’art d’aimer d’Erich Fromm, toujours un bestseller

Ses ventes ont dépassé 25 millions. Les années « Peace and love » passées, L’Art d’aimer continue d’être publié avec une régularité rare dans le monde de l’édition. 

L’Art d’aimer du poète latin Ovide –43 AV. J.-C. -18 AP J.-C-, une ode à la liberté sexuelle des femmes où il donne des conseils de séduction aux garçons et aux filles, fut aussi le premier bestseller des librairies de l’Antiquité.

Qui aurait dit que Fromm écrirait un tel livre sur l’amour durable !

Son premier mariage avec Frieda Riechmann, psychanalyste, s’est terminé par un divorce, le second avec Henny Gurland dont il fut le troisième mari, finit avec son suicide tant elle souffrait de fortes douleurs d’arthrite. Dans les années 1953, Fromm trouve enfin l’amour en la personne de Annis Freeman (2). Avec la nouvelle épousée glamour, il s’exile au Mexique où il introduit la psychanalyse.  

Fromm –1900-1980 – est un psychanalyste humaniste américain d’origine juive allemande. Sa critique du capitalisme et du conformisme social, son invitation à une meilleure connaissance de soi ainsi que ses références à la sagesse orientale répondaient très certainement à l’air du temps.

Ceux qui, en quête de sens se tournaient vers Marx, Freud, Jung ou un ashram sur les collines du Kerala trouvaient un écho dans son œuvre.

Comptant parmi les mécontentements de la civilisation moderne, Fromm était aussi un militant de la paix. Il se lia d’amitié et a influencé le président John F. Kennedy – un grand amoureux ? En tout cas, un grand consommateur.

Il explore l’amour dans tous les aspects, à commencer par les relations parent-enfant, l’amour fraternel, l’amour érotique, l’amour de soi, l’amour de Dieu et de l’amour romantique. Ayant lui-même appris à aimer, il choisit de partager tout ce qu’il avait compris sur l’amour. Il conseille de commencer à acquérir des connaissances théoriques, puis à s’attacher avec persévérance à les mettre en pratique.

« Pour passer maître dans l’art d’aimer, expliquait Fromm, il faut « procéder de la même manière que pour apprendre n’importe quel autre art, à savoir la musique, la peinture, la charpenterie ou l’art de la médecine ».

Sa pratique se rapproche des arts martiaux (il fait aussi référence à l’art zen du tir à l’arc). Elle laisse peu de place à la fantaisie, lui préférant travail et sagesse. Pour lui, l’amour commence par la compréhension de soi, grandit pour prendre la forme de réciprocité érotique avec un partenaire, et, idéalement, vers l’amour de l’humanité.

J’imagine les stars d’Hollywood inconstantes et les starlettes heureux de se rendre sur le canapé de Fromm au Mexique à la recherche du véritable amour et de la libération. 

Les 3 maladresses des chercheurs d’amour

Selon Fromm, ces trois erreurs sont fréquentes.

La première est de croire que « le problème essentiel de l’amour est de savoir comment être aimé alors qu’il s’agit d’apprendre à aimer ».

La deuxième est de « supposer que le problème de l’amour est un problème d’objet et non de faculté ».

La troisième est de confondre « l’expérience initiale de “tomber” amoureux et l’état permanent d’être amoureux, ou mieux encore, de “se tenir” dans l’amour ».

L’engouement des premiers temps, expliquait Fromm, n’est pas assimilable à l’amour. Il n’est que le reflet de nos solitudes antérieures. Ce n’est qu’après, dans la connaissance de l’autre, que l’on peut accéder à l’amour, « qui consiste essentiellement à donner, non à recevoir ». Il vrai que pour aimer, il est nécessaire de dépasser notre narcissisme, et d’accepter que l’être idéal n’existe pas ou prou. A cette étape, nous apprenons à travailler sur les imperfections de l’autre et sur les nôtres.

Est-ce que donner est plus dur que de recevoir ? Donner peut placer l’autre en situation de débiteur, alors que recevoir oblige à accepter d’être en dette vis-à-vis de notre moitié. Certains préfèrent avoir un solde créditeur… Il conseille aussi de pratiquer la méditation, de «  rester seul avec soi-même, sans lire, sans écouter la radio, sans fumer ni boire »..

L’idée de ne pas fusionner, de ne pas faire un avec l’autre me semble juste.

Ma formule mathématique du couple est 1 + 1= 3, le couple formant la troisième entité du duo. Le duo est dans une dynamique de construction et de reconstruction permanente. Des points de divergence apparaissent ?  Il est nécessaire d’apprendre à trouver des compromis dans le respect, au risque d’éclater la paire et de retrouver les mêmes problématiques avec son/sa nouvel(le) élu(e) ! Un problème non résolu se représente toujours dans notre vie. C’est Jung qui le dit !

Il explique aussi qu’en amour, il faut accepter de prendre le risque de connaître, peut-être, la souffrance et la désillusion. Ce qui demande une certaine dose de confiance en soi. « Notre peur consciente est de ne pas être aimé, notre peur, réelle, inconsciente, est d’aimer ». Lorsqu’on s’engage dans une relation amoureuse, il faut surmonter la peur de l’abandon, prendre le risque d’aimer et de perdre cet amour.  Beaucoup de personnes n’aiment pas à cause de ces peurs de l’abandon.

Fromm, approchant les 60 ans, écrit à l’amour de sa vie, plusieurs lettres chaque jour, comme un jeune soupirant, signant  «Je suis tout à toi totalement. E. »

Je ne suis pas être atteinte de cette maladie humaine : parler de l’amour au lieu de le vivre ! Je lâche mon clavier, j’ai un rendez-vous…

Sources : Erich Fromm: His Life and Ideas : an Illustrated Biography Par Rainer Funk (1) Philosophe,journaliste  qui en 1976 crée Santé Magazine (Président directeur général et Rédacteur en Chef)..Directeur des rédactions des Editions Lacroix Frères de Guérir de David Servan-Schreiber (2) En 1958, les oncologistes diagnostiquent à Annis, un cancer du sein et conseillent une double mastectomie.

Reproduction:  En Une : Le baiser de Klimt