Le Marquis de Sade, le Divin Marquis, est très renommé, il est aussi le plus célèbre prisonnier du donjon de Vincennes. Tout le monde semble bien le connaître, en tout cas ! Combien l’ont-t-ils déchiffré ? Je ne l’ai jamais lu parce que je n’en ai jamais eu envie après qu’un fin lettré de mon entourage m’ait confié que Les 120 journées de Sodome était une lecture difficile, parfois insupportable, une lecture dont on ne ressort pas indemne. Peut-être aurais-je du commencer par Les nouvelles de crime de l’amour qui ne sont absolument pas pornographiques (1) ?
Ce livre concerne son épouse. Je ne sais pourquoi ce livre m’attira. Chercher la femme ? Peut-être le sous-titre : Chroniques libertines, parce je préparais ma pile-de-livres-à-lire pour les vacances ? Ou est-ce L’Odalisque blonde de François Boucher, la belle Louise O’Murphy, jeune irlandaise, qui fut un de ses modèles et qui, en 1753, fut brièvement la maîtresse de Louis XV ?
Mireille Calmel a écrit ce livre à occasion du bicentenaires de la mort du sulfureux marquis de Sade (12 décembre 1814). Elle s’intéresse à son épouse, Renée Pélagie de Montreuil dont elle nous fait une biographie très romancée, annonce-telle.. La romancière a été, de son propre aveu, « troublée » par la destinée d’une femme qui, en quelques mois, ceux du début de son mariage avec le « divin marquis », est passée d’un « puritanisme total » au statut « de grande amoureuse ».
Renée Pélagie de Montreuil, Marquise de Sade
Marie Madeleine Masson de Plissay, dite la présidente de Montreuil, femme énergique et autoritaire entreprend de bien marier sa fille afin d’ avoir ses entrées à Versailles. Le 17 mai 1763 à Paris, à l’église Saint-Roch, les Montreuil marient leur fille au jeune Marquis de Sade, séduit par la généreuse dote. On pourrait dire gagnant-gagnant ! Et la future épouse dans ces accords ? Elle a 23 ans, le Marquis 22. Renée Pélagie de Montreuil devient donc Marquise de Sade, et tombe très amoureuse de Donatien Alphonse François de Sade. Elle lui écrira alors qu’il est emprisonné à Vincennes, après cinq mois de mariage : « Je ne vis que pour toi, mon unique bonheur ». Elle aime échanger avec lui sur les arts, ils partagent une amitié amoureuse. Cependant, si elle donne son cœur, je n’ose dire son âme, elle reste de marbre pour donner son corps. Elle est convaincue que la jouissance est un péché et que le plaisir sexuel va l’emmener directement en enfer. Pas moins ! « Une épouse ne jouit pas. Elle procrée». Mais elle est très intriguée par ce qui se passe sous les couettes. C’est alors qu’elle reçoit une mystérieuse lettre l’informant de l’inconduite de son époux. Curieuse, elle répond et … cet échange épistolaire va lui faire découvrir des horizons qu’elle croyait interdits.
Ce livre est une histoire dans l’Histoire. Le mode épistolaire est très vivant. J’ai lu cette biographie romancée avec plaisir. C’est espiègle, bien écrit, avec un vocabulaire précieux qui rend les échanges épistolaires savoureux et délicieusement coquins.
Le livre nous dépeint un Marquis de Sade sexy et attachant, délicat, loin de ses turpitudes et frasques pour lesquels il est connu. Dans ce roman, point de perversions, que du libertinage. Un joli portrait de femme amoureuse. J’ai découvert aussi une fresque des mœurs et coutumes du XVIIIème siècle, de la bienséance et des interdits, de l’importance de la religion dans la vie de couple, mais aussi l’hypocrisie des comportements. Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! Le personnage de la Présidente de Montreuil est bien croqué, Pélagie est attachante, naïve et perspicace en même temps.
Son histoire est celle d’une femme qui parvient à se libérer des chaînes de son éducation et de la religion.
Mireille Calmel nous avertit : « Dans un souci de vérité historique, les faits, […] et surtout les termes employés dans cet ouvrage sont restitués le plus fidèlement possible. Par conséquent, il s’adresse à un lectorat majeur et averti.»
J’aime les synchronicités : Nous étions en vacances dans le Lubéron que j’aime tant, à un battement d’ailes de Lacoste.
En Une : « portrait supposé », dessiné par Charles van Loo vers 1770 et Renée-Pélagie, portrait non authentifié.
Pour en savoir + sur la Marquise et sa véritable histoire.
(1) Badinage et libertinage – Marquis de Sade : Les Crimes de l’amour et autres nouvelles