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L’incompris de Luigi Comencini

L’incompris de Luigi Comencini

2017-05-20CauseDesEnfantsCinéma3488Views
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L’Incompris de Luigi Comencini fut très mal reçu par la critique au festival de Cannes 1967, où il a été hué par la majorité des critiques. Même à sa sortie en France en 1968, les commentaires étaient détestables.

« Mais ici, l’émotion racole. C’est de la pellicule larme à l’œil, agaçante, et qui plus est interminable. » écrivait Jean Vigneron, dans La Croix du 6 mai 1967.

Alors, ce film fut-il aussi « incompris » à cette époque  ? Il faudra attendre 1978 pour qu’il soit salué. Aujourd’hui, ce film bouleversant est sans doute le mélodrame cinématographique qui a fait le plus pleurer, même les cœurs les plus secs ne peuvent rester insensibles à la détresse de ce garçon.

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L’incompris, le synopsis

L’Incompris est l’histoire d’un deuil qui ne s’exprime pas. A l’origine, le film qui s’appelait Mon fils, cet incompris est l’adaptation du roman de Florence Montgomery publié en 1868. Elle écrivait en faisant parfaitement la distinction entre ses histoires pour les enfants et ses histoires sur les enfants, devant être lues par un public adulte comme un encouragement à reconnaître les mérites des enfants. J’ai lu ce livre illustré naïvement par 41 vignettes : Hormis les prénoms des enfants – Humphrey et Emile –  l’adaptation est très proche du livre (1).

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Je vous raconte en quelques mots :  Le consul du Royaume-Uni à Florence, Sir Duncombe, vient de perdre son épouse. Il est dévasté. Il demande à Andrea, son fils aîné, gamin d’une dizaine d’années, de le cacher à son frère Milo, estimant que celui-ci a les épaules pour cela tandis que le cadet serait très sensible.. comme sa mère dit-il. Les deux enfants confiés à une gouvernante, passent alors leurs journées à tromper l’ennui dans cette grande demeure bourgeoise, le plus souvent désertée par leur père, accaparé par son travail. Parce qu’il est missionné par son père de protéger son petit frère, Andrea va s’interdire, presque inconsciemment, toute manifestation visible de sa peine. Et de la peine, il en a, elle le ronge. Et c’est là le nœud psychologique car son père va prendre sa retenue pour de l’insensibilité.  Sir Duncombe, noyant son propre chagrin dans le travail, va passer à côté de la souffrance extrême de son fils ainé qui fait tout pour être aimé par ce père distant focalisé sur la santé de son plus jeune fils.

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Comencini durant le tournage avec les deux enfants
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Extrait de la scène de la promenade en barque

L’incompris, mélodrame familial

Or, Sir Duncombe a tout faux. Comencini renforce l’affirmation de Françoise Dolto qui affirmait que « les enfants et les chiens de la maison savent tout », en faisant passer le message que les enfants ne sont jamais dupes. Le secret est vite éventé, Milo a compris que sa mère ne reviendrait plus. Lors d’une très belle promenade en barque, Milo questionne Andrea sur ce que cela fait d’être mort. Il lui demande de se boucher les oreilles et de fermer les yeux. Le jeune frère s’exécute, mais il ne « voit » rien. Andrea lui demande ce qu’il espérait voir, et Milo répond : « Maman ! ». Andrea lui certifie alors que le seul moyen de voir Maman serait d’être mort… et à ce moment-là, ils passent juste sous l’ « audaciomètre » ( je ne vous en dis pas plus pour ne pas trop spolier )

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Andréa écoutant la voix de sa mère

Ce petit frère que tout le monde adore tant il est charmant avec sa bonne bouille, est en définitive l’incarnation de ce que Luigi Comencini appelait « la méchanceté naturelle ». On a mal, on souffre pour Andréa, on a envie de secouer ce Milo, odieux petit tyran malfaisant, sans le savoir. J’ai vu ce film il y a quelques années déjà, mais j’ai toujours, frais dans ma mémoire. J’avoue que lorsque je l’ai visionné, il occupa mon esprit pendant quelques jours.

Andréa a tout de même une personne-ressource en la personne de son oncle Will – Charles dans le livre -, incarné par John Sharp. Il apporte un peu de légèreté à la famille car il est très drôle. Il a noté la souffrance de son neveu et encourage son beau-frère à passer plus de temps avec lui. Ce qu’il tentera de faire.. Mais..

Anthony Quayle est tourneboulant en père bouleversé. Stefano Colagrande incarnant Andrea est absolument extraordinaire et je n’ai jamais oublié ses beaux yeux si tristes. D’ailleurs on ne l’a jamais revu sur un écran de cinéma. Je me demande bien pourquoi parce qu’avec un tel talent à 12 ans, il aurait pu faire une belle carrière. Pour ceux que cela intéresse, aux dernières nouvelles, il serait devenu professeur de radiologie à l’Université de Florence.

Attention cette partie est un spoiler. Beaucoup ont reproché à Comencini, l’épilogue, l’accusant de sensiblerie. Je me permets de penser qu’il ne pouvait en être autrement. Il me semble qu’il aurait été mièvre de finir par un happy end. Andréa teste son courage en sautant d’une branche qu’il appelle l’ « audaciomètre ». Et un jour poussant les limites vraiment trop loin, il chute et se fracture la colonne vertébrale. En fait, il essayait aussi d’épargner Milo. Ces scènes sont insoutenables de tristesse. Son père comprend alors sa terrible méprise et lui demande pardon mais il est trop tard. Duncombe, bouleversé, lui dit enfin : « Tu es vraiment le fils que tout père voudrait avoir. « 

 L’incompris de Luigi Comencini

La qualité de la mise en scène, la délicatesse de la photographie, la sérénité des paysages de Toscane accentuent encore le tragique de l’histoire. La musique du film, le sublissime 2° mouvement du concerto pour piano N° 23 de Mozart renforce l’ambiance poignante.

Je n’ai pas revu le film. J’ai regardé un remake de Jerry Schatzberg réalise en 1983 Besoin d’amour, où Gene Hackman superbe dans le rôle du père qu’incarnait Anthony Quayle dans l’original.

Luigi Comencini, plus que quiconque, peut être considéré comme le cinéaste de l’enfance. Je vous invite à regarder ce film… mais surtout pas un soir de blues.

(1) Pour lire le livre L’incompris de Florence Montgomery (1843-1923) RDV sur gallica

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Apprentie-sage, à la fois frivole et mystique, lègère et spirituelle , gourmande et orthorexique, férue de nutrition, en recherche de sagesse

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