Un bonheur littéraire ! Je m’y attendais un peu connaissant la passion de Gaelle Josse pour l’art, elle m’avait déjà transporté avec (Schubert) 𝑼𝒏 é𝒕é à 𝒒𝒖𝒂𝒕𝒓𝒆 𝒎𝒂𝒊𝒏𝒔.
Avant d’être une fille du sud, j’étais Lorraine. Georges de La tour est LE peintre lorrain. Il était célèbre dans son temps mais sombra dans l’oubli durant quelques siècles, il fut redécouvert au début du XXème. Il est le peintre de scènes religieuses, des scènes de famille. Les clairs-obscurs du maître de Lunéville sont dans les harmonies de rouges, bruns et blancs, tout en douceur. Très beau.
Tout lorrain est capable de citer une œuvre de ce peintre : certains nommeront 𝐋𝐞 𝐭𝐫𝐢𝐜𝐡𝐞𝐮𝐫, d’autres 𝐋𝐞 𝐧𝐨𝐮𝐯𝐞𝐚𝐮-𝐧é..
L’œuvre majeure du musée Georges de La Tour à Vic-sur-Seille (sa ville natale) qui fut ouvert en 2003 est le Saint Jean-Baptiste dans le désert très impressionnante. Si vous passez par la Lorraine, arrêtez-vous au #muséegeorgesdelatour. *
Le S𝐚𝐢𝐧𝐭 𝐒é𝐛𝐚𝐬𝐭𝐢𝐞𝐧 𝐬𝐨𝐢𝐠𝐧é 𝐩𝐚𝐫 𝐈𝐫è𝐧𝐞 fut découvert dans une église de Bois-Anzeray en 1945. Il en existe une dizaine de copies, dont peut-être un serait de la main de Etienne le fils du maitre.
Le pitch : En 1639, plongé dans les tourments de la guerre de Trente Ans en Lorraine, Georges peint : Le S𝐚𝐢𝐧𝐭 𝐒é𝐛𝐚𝐬𝐭𝐢𝐞𝐧 𝐬𝐨𝐢𝐠𝐧é 𝐩𝐚𝐫 𝐈𝐫è𝐧𝐞. Sa fille, un fils d’artisan voisin et sa servante pour sujets.
Le roman mêle trois voix : En 1639, à Lunéville, celle du maitre, de son jeune apprenti Laurent et en 2014, à Rouen, celle d’une jeune femme qui pour tuer le temps entre deux trains, visite le musée des Beaux-Arts et tombe en pamoison devant ce tableau qui la projette dans ses souvenirs de sa passion mortifère.
J’ai apprécié le récit de la vie quotidienne de l’apprenti, de ses aspirations, des guerres et épidémies qui ravageaient la région, l’histoire du tableau, les tourments du maitre lors de la création, la présentation à Louis XIII.
L’histoire de l’inconnue tombée en amour d’un ours mal léché qui ne donne rien car il ne peut rien donner, sa détresse, sa descente aux enfers, la violence psychologique ressentie m’ont émue. J’ai aimé que ce soit la beauté d’Irène pleine de compassion et de douceur qui lui permette de trouver la ressource pour se guérir seule.
L’écriture est fine, raffinée, élégante, envoutante, poétique… Un bonheur !
Le procédé littéraire désarçonne quelque peu au début. J’ai aimé l’utilisation de la première personne, la fin très positive d’un envol vers de beaux horizons, pour chacun.
L’ombre de nos nuits de Gaëlle Josse
192 p – 2016 – Editions noir sur blanc