Vous avez très certainement vécu cela.. Une chose en entraîne une autre. C’est ce qui m’arrive. Après avoir travaillé sur la chronique L’empreinte de toute chose de Liz Gilbert, je suis tombée en amour pour Marianne North, naturaliste, illustratrice botaniste anglaise de l’époque de la reine Victoria. C’est certain, je suis au bon endroit, cette reine me passionne aussi. Marianne North m’évoque aussi la grande Alexandra David-Néel, une autre aventurière audacieuse dans son pays des neiges que j’admire beaucoup.
Oh, je sais, aujourd’hui, être illustrateur botaniste, cela n’a guère de sens, car nous avons la photographie. Et pourtant, lorsque j’observe le travail de précision de ces artistes, je suis saisie d’admiration.
Qui est Marianne North ?
Marianne North est né à Hastings Lodge à Hastings, en Angleterre, le 24 Octobre 1830. Vraisemblablement que cette ville vous est connue : elle fut détruite à la fameuse guerre de 100 ans en 1339, et fut le refuge temporaire de Napoléon III lors de la proclamation de la République en 1870. Son père Frédéric était un riche propriétaire terrien et député libéral du comté de Hastings. Sa mère était la fille de Sir John Marjoribanks, baron de Lees.
Elle mène une vie conforme à son rang : danse, piano, latin.. Marianne suit une formation de chant avec la célèbre contre-alto Charlotte Helen Sainton-Dolby, mais sa voix faillit, elle dut abandonner. Rien ne semble la prédestiner à cette vie intrépide. Son père s’intéresse à la botanique et fait même construire des serres. (2) Les psy diraient que Marianne a une très bonne image de son père ! A partir de 1850, elle suit des cours de peinture florale avec un grand artiste Valentine Bartholomew .
En 1855, Lady Jane, sa mère meure et elle promet de ne pas quitter son père. (1) Elle tiendra parole : elle l’accompagnera dans tous ses voyages et prendra soin de lui pendant quatorze ans. Elle reste en contact régulier avec Sir William Hooker, directeur du jardin botanique royal.
Alors que ses sœurs font de bons mariages, elle réfractaire à cette idée. Elle considérait le mariage avec horreur, le qualifiant de « terrible expérience qui transforme les femmes en super-intendant ». Elle préférait le rôle de confident et compagnon de son père veuf, dont elle partage la passion pour les voyages et la botanique.
À la mort de celui-ci en 1869, elle décide de poursuivre son idée de peindre la flore de pays lointains. Elle loue d’abord une maison à Kingston upon Thames et passe cinq mois à peindre les fleurs exotiques admirées aux jardins de Kew. Mais le climat de Londres ne lui convient pas, les soirées mondaines non plus.
Les voyages de Marianne North
Marianne a 40 ans, elle décide de partir découvrir le monde. Elle résume son excitation : « J’avais longtemps rêvé d’aller dans un pays tropical pour peindre sa végétation particulière sur place, dans la luxuriance de l’abondance naturelle ». Elle voyage souvent seule, car elle trouve ses compagnons de voyage trop ennuyeux. Elle a arpenté les terrains les plus inhospitaliers de la planète à la recherche de plantes rares et belles, voire inconnues.
Entre 1871 et 1885, elle a visité l’Amérique, le Canada, la Jamaïque, le Brésil où elle passera 13 mois à visiter, Tenerife, Japon, Singapour, Sarawak, Java – elle apprécie particulièrement cette île, elle y séjourna longtemps – , Sri Lanka, Inde pendant près de 18 mois-, Afrique du Sud, les Seychelles et le Chili, et sur les conseils de Darwin – un ami de son père qu’elle admire- , elle se rendit en Australie, Nouvelle-Zélande et en Tasmanie. Elle a fait de longs et pénibles voyages à travers des contrées très accidentées. Ses biographes estiment qu’elle a sans doute bouclé l’équivalent de deux tours du monde, en mettant bout à bout tous les trajets qu’elle a effectués. Elle avait heureusement quelques appuis logistiques ou diplomatiques grâce aux relations de son père mais elle préfère sa liberté et vit non pas dans les palais mais dans des endroits retirés. Elle fut invitée à dîner par le président des Etats-Unis et le poète Longfellow et s’est liée avec des personnalités comme le Rajah et Rani de Sarawak à Bornéo.
De retour à Londres, en 1882, elle propose au directeur des jardins de Kew, Sir Joseph Hooker fils de William, de faire don de ses tableaux. Elle prend une année sabbatique pour organiser ses peintures dans la galerie, qu’elle fit construire à ses frais et concevoir par James Ferguson, l’historien de l’architecture.
Puis, elle repart. Son voyage au Chili, en 1884, sera sa dernière expédition. Elle s’installe définitivement à Arderley et se consacre à l’aménagement d’un jardin exotique mais aussi de plantes locales. Elle consacre aussi beaucoup de temps à la rédaction de ses mémoires et reçoit ses nombreux amis. Elle meurt le 30 août 1890. Elle n’a pas tout à fait soixante ans, mais sa vie a été bien remplie. Sa soeur publiera ses Mémoires en 1892 qui s ‘intitule « mémoires d’une vie heureuse »
Ses oeuvres
Contrairement à ses collègues masculins, Marianne n’a jamais déterré un spécimen. Joseph Francis Rock, célèbre botaniste auquel je voue admiration, lui photographiait mais aussi ramenait des plans. Elle les a peint sur place. Bien sûr, comme toute fille de très bonne famille, elle a reçu quelques cours de dessins mais sa passion était le chant – qu’elle a du reste du abandonner. Elle a choisi de peindre, plutôt que de réaliser des aquarelles qui selon elle aurait été un mauvais choix de technique à cause de l’humidité des lieux où elle peignait : excellent choix car ses peintures sont très bien conservées – même si certaines de ses œuvres sont en cours de restauration à Kews garden- et le rendu des couleurs est époustouflant.
Une autre spécificité de Marianne North est qu’elle peignait tout un écosystème.
Observez : avec ce spécimen botanique se trouvent au premier plan un serpent corail et au second, une araignée.
Certaines des plantes qu’elle a peintes, étaient encore inconnues pour la science. Un genre et quatre espèces ont été nommés en son honneur par Hooker : Nepenthes northiana, cueillie à Bornéo, Areca northiana, Crinum northianum, Kniphofia northiae et le genre Northia.
Fourbue en raison de ses grands déplacements souvent très inconfortables et périlleux, avec une santé défaillante, Marianne North se retire à Gloucestershire, où elle décédera le 30 Août 1890.
En 1882, le public britannique friand des paysages et des merveilles naturelles de l’Empire, découvre les 832 peintures de Marianne North : La galerie Marianne-North aux Kew, où cadre contre cadre, sont disposées ses peintures aux couleurs vives de fleurs, de paysages, d’ animaux et d’oiseaux sont disposés. Il y a 832 tableaux, tous réalisés en 13 ans de Voyage autour du monde.
Cette grande dame a un extraordinaire talent, a eu un courage fou lorsqu’on songe aux périls des voyages à cette époque et à visiter des contrées reculées. Je sais où vont me guider mes pas lorsque je mettrais mon escarpin à London, prochainement.
Si vous aimez, RDV sur mon Pinterest. “L’art sauvera le monde.” a dit Fiodor Dostoïevski, alors ne nous privons pas.
(1) (2) Analogie avec l’héroïne Alma Whittekker de Liz Gilbert
Sources : Kew Gardens –Marianne North, Recollections of a Happy Life, 1892- Marianne North, Further Recollections of a Happy Life, 1899- Laura Ponsonby, Marianne North at Kew Gardens, 1990
J’aime beaucoup… et cet article est super documenté ! Je n’avais plus entendu parler de cette artiste botaniste depuis mes études universitaires où en effet je m’étais penchée sur cette femme extraordinaire qui avait peint sur place dans la nature des plantes encore inconnues. Certes, Marianne North était issue d’une bonne famille, ce qui l’a bien aidé, mais il faut reconnaître que peu de femmes d’origine bourgeoise ont osé braver l’inconnu et vivre son parcours…merci pour ce partage et les très belles illustrations, cela donne envie d’aller visiter sa galerie.
Par contre je n’ai pas trouvé le lien pour aller vers ton Pinterest ?
Merci Manou, j’ai pris énormément de plaisir à découvrir Marianne North. En effet, elle fut bien courageuse, intrépide pour faire tous ces voyages. L’avantage d’être bien -née est d’avoir pu se permettre de nous léguer toutes ses œuvres. J’ai une énorme admiration pour cette femme.. et un brin d’envie aussi. PS Merci aussi pour le lien Pinterest : j’ai corrigé. Belle journée
Merci je viens de m’abonner à ton tableau Pinterest. C’est super !
Merci Manou. Bienvenue