Nous passons 40% de notre temps de communication verbale à parler de nous et de nos turpitudes, aventures ou bonheur. J’avais une collègue qui quoique nous lui disions, avait toujours la répartie si prompte à parler d’elle et de son vécu toujours plus palpitant, à surenchérir à l’envie et à monologuer sur sa vie, son oeuvre : Nous avions appelé cela » le syndrome d’ Odile » et nous en rions. Les réseaux Facebook, Twitter invitent à parler de soi. De la simple banalité « J’ai mangé une pomme » à des confidences plus, voire très personnelles.
Parler de soi : déclencheur de dopamine
Diana Tamir et le professeur Jason Mitchell du Department of Psychology, Harvard University, Cambridge viennent de confirmer que parler de soi est aussi gratifiant et déclencheur de dopamine que manger ou faire l’amour. Cinq études ont fourni un soutien à cette hypothèse. La révélation de soi a été fortement associée à l’activation accrue dans les régions du cerveau qui forment le système dopaminergique mésolimbique – la même zone qui est stimulée lors des activités sexuelles – , y compris le noyau accumbens et l’aire tegmentale ventrale (1).
Le « Moi, je « provoque un shoot de dopamine si intense que les participants ont renoncé à de l’argent pour avoir ce plaisir de révéler des informations sur eux-mêmes.
Les 37 participants ont été mis face à trois options :
– Parler de leurs opinions et de leurs comportements “Aimez-vous les sports d’hivers comme le ski?”
– Juger le comportement d’une autre personne –“ Barak Obama aime-t-il faire du ski ? ”
– Ou répondre par oui ou par non à un questionnaire factuel –“Léonard de Vinci a-t-il peint la Joconde”.
Les chercheurs ont validé la préférence des participants pour l’activité leur permettant de parler d’eux-mêmes.
Si une récompense équivalente était proposée pour les trois alternatives, les cobayes ont opté à 66% pour parler d’eux au lieu de conjecturer sur les opinions des autres et dans 69% des cas face aux questions factuelles. Plus probant encore, ils ont sacrifié 17% de leurs gains en choisissant de parler d’eux-mêmes face à d’autres choix rapportant plus (2). “ Tout comme des étudiants prêts à donner de l’argent pour voir des personnes séduisantes du sexe opposé, nos participants ont accepté de renoncer à de l’argent pour penser à eux et parler d’eux ”, concluent les chercheurs.
Parler de soi, donner ses opinions est gratifiant, c’est donc un fait prouvé scientifiquement, dont nous pourrions être dépendant. Et si cela pouvait aussi expliquer le bienfait de la psychanalyse ?
Ecouter les autres parler d’eux pourrait-il être aussi bénéfique ? La connaissance de l’autre, la confiance qu’il accorde à celui qui l’écoute, ne pourrait il pas aussi entrainer le shoot de dopamine ? Découvrir quelqu’un peut être un merveilleux voyage. Ce peut être un moment privilégié à la découverte d’une personne d’une manière plus intime qu’une conversation ordinaire ?
Nous privilégions le Nous, par pudeur. Il est réservé à un travail collègial ou à une aventure commune. Ou au Roi. Utiliser le Je est une manière de se responsabiliser, d’affirmer et installer son estime de soi. Je n’aime pas le On qui édulcore, infantilise, noie une opinion, facilite la délation.
Votre amie Odile ne parle que d’elle, ne sait, ni ne peut écouter, tire toujours la couverture vers elle, s’autovalorise, a des avis sur tout, braque les projecteurs sur sa vie ? Elle n’est pas la seule, certes. Ces spécimens sont souvent catalogués comme d’affreux vantard égocentrique et vaniteux. Soyons charitable. Plaignons-les ! Ils sont juste en manque de dopamine.. celle dont ils ne bénéficient pas dans leur vie amoureuse..
P.S. Toute ressemblance avec des personnes connues serait évidemment fortuite.
Images : Claire Brétécher: les gnangnans – cliquer de ssus pour lire 😉 Sources: Disclosing information about the self is intrinsically rewarding- Diana I. Tamir1 and Jason P. Mitchell
(1) site de Mc Gil: centre du plaisir chauffés au rouge (2) protocole de l’étude