Photographier empêche-t-il de vivre pleinement l’événement ?
Jacques Higelin a donné un concert en plein air organisé par la Ville de Nancy dans le cadre de « Week-end de Stan ». Je n’y suis pas allée – il pleuvait des trombes d’eau –, et le journal local rapporte que quelque peu excédé, il a dit : « C’est chiant de chanter pour des gens qui viennent seulement prendre des photos. Tout le monde est photographe maintenant, incapable de se servir des yeux, des oreilles ou du cœur qui bat. Le progrès, ça ? Allons donc, un énorme retour en arrière ! »
Je comprends son point de vue et je le partage un peu. Photographier nous prive du ressenti de nos autres sens. Je suis pourtant une mordue de photographies mais parfois, je laisse mon appareil dans sa housse car il me semble que mitrailler gomme le charme et le vécu du moment. A garder l’œil rivé sur l’objectif, à chercher le meilleur angle, la meilleure lumière, je perds de la vie.
Partager les photographies de notre dernier voyage ou d’une soirée mémorable avec ses amis ou sa famille est plaisant – quoique parfois ennuyeux et frustrant pour ceux qui sont restés.
Photographier nous coupe-il de notre ressenti ?
Je me demande si être continuellement derrière l’objectif ne me coupe pas de cette expérience que je suis en train de vivre.
Face à des scènes ou paysages où je suis submergée par l’émotion, lorsque je me concentre sur l’objectif, la focale, les pixels… Est-ce que je passe à côté de cet instant magique ? Non, parce qu’il reste le cliché qui permettra de le revivre ? Oui, mais.. Aucun instant ne se ressemble, la féerie de celui-là ne se laissera jamais revisiter, ce cliché nous offrira un succédané d’émotions que nous n’avons pas pris le temps de vivre dans l’instant. Ne serions-nous pas un peu à la recherche du temps perdu ? Qui ne reviendra pas.
A l’instant où j’appuie sur l’obturateur pour capturer l’instant, je ne le vis pas, puisque mon esprit est ailleurs, concentré sur mon objectif : réussir la photo et même à anticiper la joie que j’aurais de la voir.
D’ailleurs, regardez les photographes.. Dès le clic, tout le monde – les modèles aussi- se précipitent pour regarder le bel effet rendu. J’aime l’instantanéité mais je me demande si l’attente du développement de nos clichés n’en rajoutait pas un peu au plaisir.
Pourquoi faire autant de photgraphies ?
Et si, c’était la peur de ne pas nous souvenir ? Capturer ce moment, serait l’assurance d’avoir une trace de ce que nous avons vécu ? Pourquoi, faisons-nous des photos ? Pour qui sont ces clichés ?
lParfois je choisis de me souvenir du moment vécu, plutôt que de m’empresser de prendre une photo pour immortaliser ce moment exquis à grand coup de pixels.
Face à des paysages forts en émotions, je préfère m’asseoir, bien centrée sur mes ressentis et partager, contempler, respirer.
Je suis aussi friande des Madeleines de Proust visuelles que je retrouve dans mes albums photos papier ou numériques et j’aime regarder ceux de mes amis. Un voyage dans le temps.. Me référer au passé permet de me repositionner dans le présent et d’anticiper le futur. Encore une de mes contradictions…
Qu’en dites-vous ?
I too agree with you on it. Memories can be recollected easily using photographs. If you are a photographer, then you must definitely have lot of memories. If u think about it, then just go through the photographs you had taken of it.
Thank you for your comment.
Oui, je vous suis carrément dans votre analyse.
On vit de plus en plus dans un monde visuel, d’images, et de clichés (dans le sens également d’opinions en kit )
D’où les selfies, les sites Instagram et autres. Un monde de représentation où chacun est le protagoniste principal de sa vie mise en scène pour autrui.
Narcissisme, vanité et égotisme tous réunis dans une ronde : le diable se marre !
Tous ces gens qui durant leurs vacances, prennent plusieurs centaines (des milliers !) de photos, ne vivent-ils pas toute leur expérience qu’au travers, un filtre, un écran ? N’oublient-ils pas de vivre l’instant, tout simplement ? L’œil toujours rivé sur l’objectif, en se focalisant sur un bout de réel, il y a des pans entiers de Réel qui leur échappent justement.
Cela me rappelle ce magnifique et hilarant film « La Vie rêvée de Walter Mitty »
La photo Parfaite est aussi celle que l’on ne prend pas. C’est cette séquence où le photographe baroudeur refuse de capturer l’image de ce très rare léopard des neiges en Afghanistan car .
« Si j’aime un moment, je veux dire, personnellement, je ne veux pas avoir la distraction de l’appareil photo».
Voyez vous, ce mariage lors notre dernier we où je n’ai pris aucune photo – un pro s’en chargeait avec talent, je n’en doute pas ! – et bien, je l’ai savouré 😉 expérience à refaire .. merci Visiteuse pour ce beau partage.