Il est des expressions qui m’horripilent. « Bon appétit » en est une.
Lorsque quelqu’un lance à la cantonnade un tonitruant «Bon appétit » ou pire que l’on me l’adresse personnellement, j’ai les muscles horripilateurs en émoi. Je dois prendre sur moi pour remercier. Je ressens cette expression comme très vulgaire. Cette gentillesse m’indispose. Une réaction épidermique. Pourquoi me souhaite-t-on «bon appétit » ? Mes repas sont aussi des moments de bonheur faits de découvertes et joies gustatives. A-t-on peur que je ne mange pas ? Que je ne trouve qu’une nourriture si peu amène que je doive avoir besoin de cet encouragement ? Le pire est lorsque c’est la maîtresse de maison elle-même qui me souhaite bon appétit ! Est-elle si peu sûre de ses préparations qu’elle se croit obliger de nous encourager ? J’ai l’impression qu’elle me souhaite Bonne chance. Pas engageant.
Cette expression m’agace mais en plus « Bon Appétit » ne se dit pas
Elle ne fait pas partie des bonnes manières de châtelain. Tout comme répondre par « de même », ou « vous également » qui n’est ni français, ni correct.
A l’origine, l’expression «Bon appétit» veut dire «Bon estomac» voire «Bon transit». Petite digression : L’origine de la demande «Comment ça va ?» est de la même veine instestinale. Cela nous rapproche du bestial qui est en nous, pour qui manger reste l’essentiel. Lorsque nous partageons un repas, l’important est de partager un bon moment, l’art de vivre ne se résume pas à se nourrir.
Au XVIIe, cette expression était couramment employée chez les aristocrates de la cour. Au XIXe siècle les progrès de la médecine aidant, cette formule tombe en désuétude.
Selon Nadine de Rotschild « le repas est un art de la table que l’on partage en bonne compagnie. Plus qu’un simple besoin vital, il distingue l’homme de l’animal à l’instinct primaire». Je suis d’accord avec Hermine, écrivain, styliste, actrice et une vraie princesse lorsqu’elle nous dit que nous ne sommes pas des œsophages.
Je ne prends pas pour des rustres les personnes qui me souhaitent bon appétit, je ne suis pas à cheval sur l’étiquette, ni snob, mais je les prie de ne pas me ramener à ma condition strictement animale.
Grâce à l’écriture de cette chronique, au prochain « Bon appétit», je vais sourire et entendre que vous me souhaitiez « un excellent dîner », « un agréable déjeuner » ou « un savoureux souper ».