Un soir à Sanary signé par Michèle Kahn, un roman très intéressant sur la seconde guerre mondiale. Je ne savais pas que Sanary-sur-Mer fut, en ces temps dramatiques et difficiles, une capitale de l’émigration allemande. Cette petite ville était dans ma mémoire, marquée par l’affreuse affaire de Camille Kouchner. J’ai découvert un pan de l’histoire que je ne connaissais pas, ignorant que des allemands avaient été parqués dans des camps en France.
Un soir à Sanary m’a fortement marqué. Le roman décrit également les conditions effroyables de détention dans le camp des Milles et de Gurs pour les femmes.
Un soir à Sanary : le pitch
À Cologne, scène mondiale de l’art moderne, dans les années 30, le jeune critique d’art Max Hoka épouse Rosa, une femme rayonnante, et croit trouver le bonheur… lorsque les nazis s’emparent de l’Allemagne. Opposants, Max et Rosa doivent s’enfuir. Après une halte à Paris, ils s’établissent à Sanary-sur-Mer, petit port de pêche varois surnommé « Montparnasse-sur-Mer » ou « capitale de la littérature allemande » depuis que tant d’artistes allemands et autrichiens y ont déjà trouvé refuge, appréciant le charme et la sérénité d’un lieu où Thomas Mann, Bertolt Brecht et même le britannique Aldous Huxley ont imprimé leur marque. Mais la guerre qui éclate met vite un terme à ce séjour idyllique. À leur arrivée en France, Max et Rosa ont été accueillis avec chaleur. Maintenant, bien qu’antinazis farouches, ils sont désignés comme « ressortissants d’une puissance ennemie » et incarcérés aux camps des Milles et de Gurs ! Puis c’est pour Max l’épisode rocambolesque du « train fantôme », qui le voit traverser et retraverser le pays dans des conditions épouvantables, et la menace de la Gestapo face à laquelle tous deux doivent fuir de nouveau…
Max Hoka, le personnage principal est étourdi, maladroit, naïf, bon, terriblement attachant. Il écrit des lettres à son Gryllon (1), une jeune étudiante qu’il connait depuis son séjour à Sanary. Max, Rosa et sa correspondante sont des personnages de fiction, tous les autres ont existé, les récits et anecdotes sont véridiques. Ce livre est un roman épistolaire dont nous n’avons pas la réponse de la jeune fille, juste les lettres de Max qui nous le sentons bien, répond à ses questions.
Mon avis
- J’ai beaucoup aimé ce livre, très documenté. L’écriture de Michèle Kahn est très agréable à lire.
- J’ai apprécié en apprendre plus et découvrir certains artistes allemands : Max Ernst, Thomas Mann, Berthold Brecht, Moïse Kisling, Lion Feuchtwanger ( Le Juif Süss.).. Tout ce monde qui se croyait en sécurité dans le sud. Or, une décision du gouvernement, le 5 septembre 1939, indique que les réfugiés politiques doivent se faire connaître pour être rassemblés dans des lieux de détention..
- Rédigée entre le 8 mai 1945 et le 8 mai 1946, cette correspondance retrace l’histoire terriblement douloureuse subies par ces intellectuels.
- La première de couverture, un tableau très coloré qui m’a attiré lors du choix de cet ouvrage, est de Moïse Kisling, peintre Surréaliste.
- La romancière a choisi de rendre hommage aux Justes qui aidèrent les « étrangers indésirables» ; elle rend hommage à ce village montagnard de Beuil, dans les Alpes-Maritimes, et ses habitants où le héros et son épouse, Rosa, se sont repliés après avoir fui Nice.J’ignorais que ce village a été le refuge d’une centaine de Juifs entre 1943 et 1944, aucune arrestation n’y eut lieu.
- La description de la flore, de faune est extraordinairement documentée.
- La plupart des personnages sont authentiques, bons pour la plupart, abasourdis par ces horreurs.
Ce livre ne laisse pas du tout indifférent. Il réveille notre humanité. Et même plus, en ces périodes troubles et troublées, il induit une réflexion sur nos possibilités et capacités d’accueil des personnes qui tentent d’échapper à la barbarie.
Un soir à Sanary, Michèle Kahn, Le passage 2016
(1) Le surnom de Gryllon que Max lui donne est une allusion explicitée à Hieronymus Bosch, dont les créatures fantastiques inspirèrent tant de peintres.